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vous dictez d'avance les choix que vous voulez que l'on fasse, les partis que vous désirez que l'on prenne; quand les ministres tremblants obéissent à vos ordres, et satisfont à vos moindres caprices? A-t-on jamais conspiré contre ses esclaves? La France est tranquille! Eh! sans doute toutes les fois qu'une faction obtient un triomphe complet, il y a calme dans l'État, parce que les résistances s'évanouissent. Mais qu'est-ce que cela prouve, sinon que les principes de destruction établis pendant ce triomphe n'en produiront que plus sûrement leurs conséquences funestes? L'homme condamné à mort est en paix dans sa prison tandis qu'on prépare son échafaud.

Notre système n'entre pour rien dans les mouvements populaires des nations voisines, disent à leur tour nos ministres; et nous, nous leur répondons : Votre système en est la première cause; car c'est vous qui avez rendu la vie à la révolution, c'est vous qui avez donné une nouvelle puissance à des doctrines, à des hommes qui n'en avoient plus. D'un autre côté, en écartant tous les serviteurs fidèles, en vous faisant une loi et comme un triomphe de placer les hommes des Cent-Jours, en punissant les services par l'oubli et la misère, en récompensant les outrages par la fortune et les honneurs, vous enseignez la trahison aux peuples, vous rendez la rébellion profitable, et vous affoiblissez partout l'estime, le respect, la vénération et l'amour que l'on doit avoir pour le gouvernement royal.

La preuve la plus évidente que le système ministériel est la grande cause de la renaissance de

ces principes révolutionnaires par qui les États voisins sont menacés, c'est que le calme renaîtroit à l'instant si l'on abandonnoit ce système. Faites des lois monarchiques; rapprochez-vous des hommes monarchiques; laissez retomber dans leur obscurité quelques misérables jacobins et une douzaine de petits sophistes: les obstacles que vous avez créés vous-mêmes s'évanouiront, et vous marcherez en paix et en sûreté au milieu de la bénédiction des peuples.

On réussiroit d'autant plus facilement, que le parti qu'on a la foiblesse de craindre paroît décidément divisé en deux factions; la faction républicaine et la faction militaire, et que la dernière se subdivise encore, à en juger par les généraux qui écrivent aujourd'hui les uns contre les autres.

D'un autre côté les royalistes grandissent tous les jours dans l'opinion publique, et ils offriroient au gouvernement un appui aussi solide que naturel. On se demande comment il se fait que des hommes qui vouloient, dit-on, rétablir les institutions du dixième siècle, prêchent uniformément des doctrines si sages; comment il arrive que parmi les journaux royalistes il ne s'en trouve pas un seul qui s'éloigne de la ligne constitutionnelle, et qui trahisse une arrière - pensée? Tant de raison dans l'esprit, de modération dans la conduite, de patience dans le malheur, ont enfin produit un effet sensible. La France attentive commence à écouter ces bons citoyens, ces sujets fidèles si lâchement calomniés; elle reconnoît qu'eux seuls avoient aperçu et

signalé le danger, qu'eux seuls avoient vu les choses sous leur véritable jour. Il est vrai que la faction révolutionnaire redouble de rage contre eux, parce qu'elle est intérieurement persuadée que les affaires pourroient marcher sous leur direction, et que si une fois on leur avoit laissé prouver leur capacité politique, le règne des intrigants, des démocrates et des buonapartistes seroit passé.

Les ministres reviendront-ils aux royalistes ? Seront-ils toujours obligés d'avoir de honteuses condescendances pour un parti aussi foible qu'insolent, qui leur reproche ensuite de n'avoir pas tenu les traités secrets? Auront-ils toujours pour amis des hommes dont ils sont obligés de dénoncer euxmêmes les comités, les intrigues et les complots, ou des hommes qui n'ont à leur offrir que la force de la foiblesse, qu'une obéissance dégoûtante, qu'une de ces volontés passives, viles prostituées qui se vendent à tous les pouvoirs? Abandonnera - t - on enfin un système dont tout fait voir maintenant l'insuffisance et le péril? On ne peut guère l'espérer : l'amour-propre irrité ne cédera pas. Si l'on est trop embarrassé, on en viendra plutôt à un coup d'Etat. On parle aujourd'hui de faire sentir aux puissances étrangères la nécessité de ce coup d'État pour la France. Un homme puissant seroit chargé d'aller faire à l'extérieur l'apologie du ministère, et d'adoucir l'humeur des cabinets européens.

Cette humeur paroît grande, s'il faut en juger par la Correspondance privée: cette correspondance se plaint que nous seuls excitons les alarmes des

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diplomates européens ; « nous sommes, dit-elle, le «peuple qu'ils dénoncent à leurs souverains; ils adressent à notre égard des circulaires, portent des "plaintes et rédigent des mémoires. » Les ministres se souviennent-ils du temps où ils se glorifioient de l'approbation des diplomates? Qui défendoit alors la dignité et l'indépendance de la France? Étoient-ce les libéraux, les ministériels, ou les royalistes ? Ouvrez la Monarchie selon la Charte, au chapitre 86, vous y lirez ces paroles:

« Comment parlerai - je du dernier appui que << cherchent les intérêts révolutionnaires? Qui au«roit jamais imaginé que des François, pour conser«ver de misérables places, pour faire triompher les principes de la révolution, pour amener la des«truction de la légitimité, iroient jusqu'à s'appuyer « sur des autorités autres que celles de la patrie, jusqu'à menacer ceux qui ne pensent pas comme eux, de forces qui, grâces au ciel, ne sont pas <«entre leurs mains ?... Hommes qui vous dites si «fiers, si sensibles à l'honneur, c'est vous-mêmes

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qui cherchez aujourd'hui à me persuader qu'on « VOUS PERMET tels sentiments, ou qu'on vous COM"MANDE telle opinion. Vous ne mouriez pas de honte lorsque vous proclamiez, pendant la session, qu'un « ambassadeur vouloit absolument que le projet du ministère passat, que la proposition des Chambres « fût rejetée. Vous voulez que je vous croie quand << vous venez me dire aujourd'hui (ce qui n'est « sûrement qu'une odieuse calomnie) qu'un ministre françois a passé trois heures avec un ministre

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étranger, pour aviser au moyen de dissoudre la << Chambre des députés. Vous racontez confidem«ment qu'on a communiqué une ordonnance à un agent diplomatique, et qu'il l'a fort approuvée. « Et ce sont là des sujets d'exaltation et de triomphe << pour vous! Quel est le plus François de nous deux? « de vous qui m'entretenez des étrangers quand << vous me parlez des lois de ma patrie, de moi qui «< ai dit à la Chambre des pairs les paroles que je « répète ici : « Je dois sans doute au sang françois qui coule dans mes veines cette impatience que «j'éprouve quand, pour déterminer mon suffrage, << on me parle d'opinions placées hors de ma patrie; «<et si l'Europe civilisée vouloit m'imposer la Charte, «j'irois vivre à Constantinople.

<< Et comment les mauvais François, qui soutien<< nent leurs sentiments par une si lâche ressource, << ne s'aperçoivent-ils pas qu'ils vont directement «< contre leur but? Ils connoissent bien

peu l'esprit « de la nation. S'il étoit vrai qu'il y eût du danger dans les opinions royalistes, vous verriez, par <«< cette raison même, toute la France s'y précipi«<ter: un François passe toujours du côté du péril, « parce qu'il est sûr d'y trouver la gloire. »>

Sied-il bien aux ministres de se plaindre aujour d'hui de l'influence étrangère? Ils l'ont trouvée parfaite pour soutenir un système déplorable, et lorsque le corps diplomatique, enfin éclairé, voit le danger de ce système, ils se récrient contre les alarmes des diplomates.

Les cabinets de l'Europe semblent être mainte

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