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France and Venezuela: Award of the President of the Swiss Confederation in the case of Fabiani.-Le Président de la Confédération Suisse, arbitre designé pour trancher le différend existant. (Affaire Fabiani) entre Le Gouvernement de la République Française, partie demanderesse, et Le Gouvernement des Etats-Unis du Vénézuéla, partie défenderesse.

Vu les exposés et les conclusions des parties, ainsi que les preuves administrées.

Considérant qu'il en resulte:

A.-En fait.

I. Les Gouvernements de la République Française et des Etats-Unis du Vénézuéla sont convenus, par compromis signé à Caracas le 24 février 1891, de soumettre à l'arbitrage du Président de la Confédération Suisse, la question de savoir si, "d'après les lois du Vénézuéla, les principes généraux du droit des gens et la Convention (du 26 novembre 1885) en vigueur entre les deux Puissances contractantes, le Gouvernement vénézuélien est responsable des dommages que Fabiani dit avoir éprouvés pour dénégations de justice," et de charger l'abitre "de fixer, au cas où cette responsabilité serait reconnue pour tout ou partie des réclamations dont il s'agit, le montant de l'indemnité pécuniaire que le Gouvernement vénézuélien devrait verser entre les mains de M. Fabiani, et qui effectuerait en titres de la dette diplomatique de Vénézuéla 3 %."

L'arbitrage ayant été accepté, la procédure fut instruite par voie d'échange de mémoires et par l'administration de preuves tant littérales que testimoniales offertes par les Gouvernements intéressés.

II. Les faits allégués dans la demande sont les suivants:

M. Antoine Fabiani épousa, en avril 1867, la fille de M. Benoît Roncayolo, chef d'une maison d'armement de voiliers, à Marseille. Roncayolo suspendit ses paiements, le 31 août de la même année, et fut déclaré en état de faillite. Son gendre Fabiani, qui était alors avocat près la cour de Bastia, s'efforça de sauver la situation. Au bout de deux ans, il put informer son beau-père, établi à Maracaibo, qu'il avait obtenu un concordat pour ce dernier; il paya lui-même le dernier dividende de 10%.

Fabiani fixa son domicile à Marseille. Un oncle lui avança de fortes sommes d'argent, et lui-même chercha désormais à reconquérir la fortune perdue par Benoît Roncayolo. Dans ce but, et afin de conserver le monopole presque exclusif des rapports maritimes et commerciaux de Maracaïbo avec la France, monopole exercé naguère par Roncayolo, il acheta d'abord le navire Pauline; il développa ensuite ses affaires d'exportation et d'importation et affecta cinq trois-mâts à ce service, sans parler d'un puissant remorqueur destiné à la barre et au lac de Maracaïbo. Trois maisons furent successivement fondées au Vénézuéla, à Caracas, à Mara

The President of the Swiss Confederation was authorized by the federal committee November 1, 1892, to accept the post of arbitrator under the convention. (Rapport du Département Fédéral des Affairés Étrangères, 1892, p.34.) A statement of the claim was filed, and a period was then fixed for the presentation of the Venezuelan answer. The French Government submitted a reply. These papers having been exchanged, an order was made by the arbitrator in regard to the taking of proofs. (Id. 1894, p. 38.

caïbo, à La Guayra; Fabiani y intéressa son beau-père et son beau-frère André Roncayolo, qui reçurent l'attribution de la moitié des bénéfices.

Mais bientôt Fabiani découvrit que les Roncayolo avaient commis des malversations à son préjudice, au Vénézuela. Il se vit obligé d'interdire à son beau-père toute participation officielle aux opérations de la maison Fabiani et de restreindre les pouvoirs du fils Roncayolo. Le 7 décembre 1874, B. Roncayolo n'en renouvela pas moins, en son nom, le contrat de remorquage passé avec le Président de l'Etat vénézuélien de Zulia, en engageant la responsabilité de "ses" établissements de commerce fondés sous la raison sociale Antoine Fabiani et Cie. Fabiani arrêta net toutes les affaires d'exportation, prohiba tous tirages de traites, exigea la restitution de ses avances et la prompte liquidation de ses intérêts. Il dut néanmoins se convaincre que les Roncayolo travaillaient a "une spoliation qui serait facilitée par la vénalité des pouvoirs judiciaires du Vénézuéla.” Il se disposait à recourir aux tribunaux français, les conditions de l'association ayant été arrêtées à Marseille, quand, sur les instances de Roncayolo fils, il consentit à une solution amiable du conflit.

La transaction, signée à cette occasion, date du 31 janvier 1878. Intervenue entre Antoine Fabiani et André Roncayolo, elle constat que B. Roncayolo n'a jamais fait d'apports en argent, elle défère au Tribunal de Marseille toutes les difficultés qui pourraient s'élever au sujet de son exécution, elle constitue Roncayolo fils débiteur de la somme de 617,895 fr. 10, valeur au 31 janvier 1878. D'autre part, la maison Roncayolo de Maracaïbo devait être remplacée par une succursale de la maison Fabiani, de Marseille, succursale qui serait dirigée par A. Roncayolo, à l'exclusion de toute ingérence de Roncayolo père.

Les anciennes irrégularités reprochées aux Roncayolo se renouvelèrent. Fabiani révoqua les pouvoirs de Roncayolo fils et lui substitua un sousagent, auquel Roncayolo père s'empressa de marier sa fille cadette. Il y avait 6 à 700,000 fr. de traites à payer. Fabiani comprit que sa présence au Vénézuéla était nécessaire. Il partit le 3 novembre 1879, non toutefois sans avoir introduit instance à Marseille contre ses deux fondés de procuration; les tribunaux de Marseille étaient compétents, en effet, et du reste, B. Roncayolo avait écrit, le 14 juin 1879, que la justice vénézuélienne se laissait corrompre à prix d'argent.

Au Vénézuéla, Fabiani réclama, en toute première ligne, le paiement d'une somme de 105,458 fr. 75, représentée par cinq traites que lui avaient été délivrées, pour des transports d'émigrants, par les consuls du Vénézuéla à Marseille et à Ténériffe. MM. Roche et Cie., auxquels ces traites avaient été remises pour l'encaissement, refusérent de les restituer, sous prétexte qu'elles avaient été données en gage par acte du 6 mars 1877, acte frauduleux d'après la demande. Le dossier de ces traites avait d'ailleurs disparu et le cabinet de Caracas annula ses ordres de paiement antérieurs. Si Fabiani ne poursuivit pas l'affaire an criminel, c'est qu'on l'en dissuada vivement. Les Roncayolo, le directeur du Ministère des Finances et un comparse auraient collaboré à cette machination.

On méconnut également les droits de Fabiani, comme propriétaire du vapeur Pauline, pour services rendus à l'Etat par ce navire pendant la révolution qui ramena M. Guzman Blanco au pouvoir. B. Roncayolo avait touché 55,000 fr. sur ce qui était dû à Fabiani, au lieu des 30,000 fr. qu'il

avouait avoir perçus; le Ministère des Finances ne permit pas au véritable créancier de faire constater ce détournement.

Fabiani tenta en vain d'obtenir du tribunal de commerce de Caracas la nullité du gage invoqué par MM. Roche et Cie. La restitution des traites fut bien ordonnée, mais, aussitôt après, le tribunal rejeta une requête à fin d'exécution provisoire du jugement, par la raison que Fabiani, étranger au pays, devait, au préalable, fournir un cautionnement. Fabiani annonça qu'il était en mesure d'offrir toutes les garanties désirables, son vapeur Pauline étant arrivé à La Guayra. Mais, quand il voulut verser au dossier sa patente de navigation, il découvrit qu'elle était au nom de "Roncayolo-Fabiani" bien qu'elle lui eût été accordée à lui, comme propriétaire unique, en avril 1879. Il y avait là un audacieux abus de pouvoir commis par A. Roncayolo junior, au mépris de la transaction de 1878.

Le vapeur Pauline, réquisitionné par le Gouvernement vénézuélien pour aider à la répression d'une émeute, allait regagner son port d'attache. B. Roncayolo, comme représentant de Roncayolo-Fabiani, sollicitait le paiement d'une somme de 63,000 fr. due de ce chef. Fabiani s'y opposa et le montant de la réclamation, arrêté par l'Etat au chiffre de 57,780 fr., fut consigné en mains tierces pour le compte de la maison Antoine Fabiani de Maracaibo, car, selon la demande, les Roncayolo étaient plus sûrs des autorités judiciaires de cette dernière ville que celles de Caracas. Au demeurant, M. Guzman Blanco, chef de l'Etat, qui était associé dans de grandes entreprises avec B. Roncayolo, son agent politique, s'apprêtait à intervenir directement dans le conflit.

De graves soucis appelant Fabiani à Maracaïbo, il s'y rendit en avril 1880, mais il y trouva presque vide la caisse de son agence; André Roncayolo l'avait pillé. Après bien des pourparlers et des démêlés avec celui-ci, Fabiani comprit qu'il serait obligé de capituler, tant le terrain était bien préparé contre lui à Maracaïbo.

En revanche, B. Roncayolo était de plus en plus en faveur auprès de M. Blanco, avec lequel il était intéressé dans la grosse affaire du chemin de fer de la Ceïba à Sabana de Mendoza; l'obstination que Fabiani mettait à défendre ses droits dérangeait des combinaisons politico-financières importantes. M. Stamman, ministre plénipotentiaire d'Allemagne à Caracas, aura, dit la demande, renseigné son Gouvernement sur les attentats et les injustices dont.Fabiani fut victime durant ce séjour à Maracaïbo.

En attendant, on lui avait enlevé le service du remorquage, on s'était emparé de ses navires, et la cour suprême avait confirmé la sentence qui dépossédait Fabiani. Il ne restait plus à ce dernier qu'à retourner en France et à implorer la protection de son Gouvernement, si les autorités judiciaires et administratives du Vénézuéla continuaient à se liguer contre lui. C'est alors qu'un ami vint lui proposer de le sortir d'embarras, moyennant qu'il consentit à une révision de la transaction de 1878 par un arbitrage. Fabiani, cédant à la force majeure, accepta de suspendre toutes poursuites et actions, et de signer un compromis qui sauverait peut-être l'avenir de son commerce au Vénézuéla.

Le tribunal arbitral, réuni à Marseille, statua en date du 15 décembre 1880; ses décisions, aux termes du compromis, étaient exécutoires au Vénézuéla, sans délai et sans qu'on pût admettre contre elles aucun recours. La sentence qu'il rendit peut se résumer ainsi :

1. Les comptes de Fabiani furent reconnus exacts; le débit d'André

Roncayolo fut fixé à la somme de 538,359 fr. 07 cent., toute réclamation lui étant interdite au sujet des dits comptes;

2o. L'enterprise du remorquage fut déclarée la propriété exclusive de Fabiani, depuis le 30 novembre 1877, comme aussi les vapeurs Eclair, Mara, Pauline, et les engins et accessoires destinés au service du remorquage. Fabiani fut autorisé à reprendre l'administration de ce service, "pour en régler la gestion à sa convenance, sans que M. Benoît Roncayolo, ni M. André Roncayolo, ni aucun tiers puissent s'y immiscer directement ou indirectement," l'insertion du nom de B. Roncayolo dans l'acte de concession "ayant été la conséquence d'une faute." B. Roncayolo était tenu cependant, à peine de dommages et intérêts, de laisser son nom figurer dans l'entreprise, si Fabiani le jugeait plus conforme à ses intérêts, ou si le Gouvernement vénézuélien se refusait à modifier la concession sur ce point;

3o. Tous les produits du remorquage, depuis le 30 novembre 1877, y compris les bénéfices du pilotage dès la même date, furent attribués à Fabiani; les personnes qui les avaient touchés avaient l'obligation de les lui restituer; 4o. B. et A. Roncayolo furent condamnés solidairement au coût de l'enregistrement de la sentence arbitrale et de ses annexes.

Le compromis liait Fabiani, de même que Roncayolo père et fils, qui y avaient adhéré tous les deux. La sentence, rendue par deux arbitres, qui étaient, l'un, le frère et créancier de B. Roncayolo, l'autre, l'oncle et créancier de Fabiani, fut enregistrée à Marseille le 17 décembre 1880 et déclarée exécutoire le 21 même mois par le président du tribunal de première instance de cette ville.

Les Roncayolo formèrent opposition à l'exécution de la sentence arbitrale, en requérant l'annulation du compromis de Caracas et la révocation de l'ordonnance d'exequatur. Déboutés par jugement du tribunal de première instance de Marseille, du 1er avril 1881, ils interjetèrent appel; mais la cour d'appel d'Aix confirma la décision du tribunal de Marseille par son arrêt du 25 juillet suivant, et il n'y eut pas de pourvoi en cassation.

Avant le prononcé de l'arrêt d'appel, Fabiani, qui était retourné en Europe, repartit pour Caracas dans le but d'introduire et de diriger la procédure d'exécution. Mais divers indices et renseignements lui firent craindre de nouvelles difficultés. Trois jours après son arrivée à Caracas vers la fin de mai 1881, Fabiani écrivit à M. Guzman Blanco pour lui annoncer que le paiement d'une somme de plus de 40,000 fr., réclamé au Gouvernement par B. Roncayolo, devait être effectué entre ses mains à lui, Fabiani, en vertu de la sentence arbitrale du 15 décembre 1880; il le priait, en même temps, de différer le paiement de la dite somme. Cette lettre demeura sans réponse. Le 7 juin 1881, il déposa au greffe de la haute cour fédérale l'original et la traduction du dossier de l'arbitrage, ainsi qu'une demande d'exequatur.

Il ne s'agissait, en l'espèce, que d'une simple formalité, à moins d'une véritable dénégation de justice de la part de la haute cour (art. 556 et suiv. C. proc. civ. vénéz.). Des renvois, des incidents, des intrigues retardèrent la solution de l'affaire. En fin de compte, bien qu'il eût été établi au cours des plaidoyers, par des documents irrécusables, que l'ordonnance d'exécution du président du tribunal de Marseille avait été confirmée aussi bien en appel qu'en première instance, la haute cour fédérale, le 11 novembre 1881, se déclara, par cinq voix contre quatre, incompétente pour donner force exécutoire à la sentence arbitrale, attendu, "qu'on ne peut considérer comme un tribunal de France la réunion des arbitres qui a eu

lieu à Marseille," et qu'une ordonnance judiciaire d'exécution "ne peut convertir en juges de la nation ceux qui ne le sont pas et en sentence d'un tribunal étranger ce qui est simplement le complément d'un contrat” (Annexe 1, de la défense, p. 23 et suiv.).

Les quatre juges formant minorité protestèrent, dans des "réserves" motivées, la sentence arbitrale satisfaisant, selon eux, à toutes les conditions prescrites par l'art. 557 du Code de procédure civile vénézuélien et son assimilation à un jugement ordinaire n'étant pas contestable.

Une nouvelle instance fut introduite, et, le 6 juin 1882, la haute cour fédérale, dont la composition avait partiellement changé dans l'intervalle, "déclarait exécutoire au Vénézuéla la sentence de la cour d'appel d'Aix." Fabiani, sur le conseil d'un ami, communiqua ce résultat à M. Blanco, qui, au lieu de respecter les décisions judiciaires intervenues, commença par mander à son ministre des finances de verser à B. Roncayolo une somme de 28,000 fr. due à Fabiani pour emploi récent du vapeur Pauline dans l'intérêt de l'Etat. Fabiani ne s'empressa pas moins, malgré l'hostilité du pouvoir, de requérir l'exécution effective du jugement arbitral. Il s'embarqua pour Maracaïbo; une inscription hypothécaire fut prise, dès le 14 juin 1882, contre B. et A. Roncayolo sur tous les droits leur appartenant dans le chemin de fer et sur la douane de la Ceiba, et une autre inscription, de 120,000 fr., sur la section Trujillo du chemin de fer. Mais les Roncayolo, soutenus au reste par le président de l'Etat de Trujillo, venaient, par un contrat frauduleux, de céder tous leurs droits à un tiers.

Le juge de première instance, à Maracaibo, ordonna l'exécution de la sentence au bénéfice de laquelle se trouvait Fabiani; les Roncayolo demandèrent alors sa récusation. Il se récusa d'abord, puis se ravisant, débouta les opposants de leurs conclusions formulées contre sa dernière décision et décreta l'envoi en possession des navires, le 14 juillet 1882.

Sur ces entrefaites, Fabiani tomba malade de la fièvre jaune. La procédure d'exécution fut suspendue sans raisons plausibles; en particulier, le juge, qui n'aurait dû admettre aucun pourvoi contre le mandat d'exécution par lui décerné, accueillit, avec effet dévolutif seulement, il est vrai, l'appel interjeté contre son décret. Les adversaires de Fabiani reconrurent au juge supérieur, qui attribua à l'appel un double effet, dévolutif et suspensif. Tout acte de procédure était interdit jusqu'à ce qu'il eût été prononcé en instance d'appel.

L'admission de l'appel à deux effets violait la loi, ainsi que la haute cour fédérale le reconnut, dans son arrêt du 8 décembre 1883, en déclarant que l'exécution avait été interrompue par “des recours illégaux lorsqu'il s'agit de l'exécution d'une sentence." Aux yeux de Fabiani, le juge-président de la cour supérieure était l'instrument des Roncayolo. Fabiani souleva le recours de fait devant la cour supérieure contre la décision de ce magistrat et le récusa du même coup. Il rentra bientôt après en Europe, en confiant la garde de ses intérêts à ses amis et représentants.

Trois motifs de récusation avaient été invoqués. Les ennemis de Fabiani, désireux d'en finir, parvinrent à faire modifier la constitution de l'Etat de Falcon-Zulia, dans le sens que, "pour les cas de récusation du juge supérieur, son suppléant n'aurait plus besoin d'être docteur en jurisprudence," et que, pour connaitre de la récusation, la cour suprême formerait une liste d'avocats et de citoyens, parmi lesquels le gouverneur qui était le frère d'un des avocats des Roncayolo-choisirait le suppléant.

Le juge-suppléant désigné pour statuer sur le premier motif de récusa

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