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CHAPITRE IX.

Remarques sur plusieurs défauts des filles:

Nous avons encore à parler du soin qu'il faut prendre pour préserver les filles de plusieurs défauts ordinaires à leur sexe. On les nourrit dans une mollesse et dans une timidité qui les rend incapables d'une conduite ferme et réglée. Au commencement il y a beaucoup d'affectation, et ensuite beaucoup d'habitude, dans ces craintes mal fondées, et dans ces larmes qu'elles versent à si bon marché : le mépris de ces affectations peut servir beaucoup à les corriger, puisque la vanité y a tant de part.

Il faut aussi réprimer en elles les amitiés trop tendres, les petites jalousies, les compliments excessifs, les flatteries, les empressements: tout cela les gâte,' et les accoutume à trouver que tout ce qui est grave et sérieux est trop sec et trop austere. Il faut même tâcher de faire en sorte qu'elles s'étudient à parler d'une maniere courte et précise. Le bon esprit consiste å retrancher tout discours inutile, et à dire beaucoup en peu de mots; au lieu que la plupart des femmes disent peu en beaucoup de paroles. Elles prennent la facilité de parler et la vivacité d'ima

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leurs petites infirmités, pour leur donner le courage de les laisser voir. La mauvaise honte est le mal le plus dangereux, et le plus pressé à guérir; celui-là, si on n'y prend garde, rend tous les autres incurables.

Désabusez-les des mauvaises subtilités par lesquelles on veut faire en sorte que le prochain se trompe, sans qu'on puisse se reprocher de l'avoir trompé ; il y a encore plus de bassesse et de supercherie dans ces raffinements, que dans les finesses communes. Les autres gens pratiquent, pour ainsi dire, de bonne foi la finesse; mais ceux-ci y ajoutent un nouveau déguisement pour l'autoriser. Dites à l'enfant que Dieu est la vérité même; que c'est se jouer de Dieu, que de se jouer de la vérité dans ses paroles; qu'on doit les rendre précises et exactes, et parler peu pour ne rien dire que de juste, afin de respecter la vérité.

Gardez-vous donc bien d'imiter ces personnes qui applaudissent aux enfants lorsqu'ils ont marqué de l'esprit par quelque finesse. Bien loin de trouver ces tours jolis et de vous en divertir, reprenez-les sévèrement; et faites en sorte que tous leurs artifices réussissent mal, afin que l'expérience les en dégoûte. En les louant sur de telles fautes, on les persuade que c'est être habile que d'être fin.

CHAPITRE X.

La vanité de la beauté et des ajustements. Mais ne craignez rien tant que la vanité dans les filles : elles naissent avec un desir violent de plaire. Les chemins qui conduisent les hommes à l'autorité et à la gloire leur étant fermés, elles tâchent de se dédommager par les agréments de l'esprit et du corps: de là vient leur conversation douce et insinuante; de là vient qu'elles aspirent tant à la beauté et à toutes les graces extérieures, et qu'elles sont si passionnées pour les ajustements; une coeffe, un bout de ruban, une boucle de cheveux plus haut ou plus bas, le choix d'une couleur, ce sont pour elles autant d'affaires importantes.

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Ces excès vont encore plus loin dans notre nation qu'en toute autre ; l'humeur changeante qui regne parmi nous cause une variété continuelle de modes: ainsi on ajoute à l'amour des ajustements celui de la nouveauté, qui a d'étranges charmes sur de tels esprits. Ces deux folies mises ensemble renversent les bornes des conditions, et déreglent toutes les mœurs. Dès qu'il n'y a plus de regle pour les habits et pour les meubles, il n'y en a plus d'effectives pour

les conditions: car pour la table des particuliers, c'est ce que l'autorité publique peut moins régler; chacun choisit selon son argent, ou plutôt, sans argent, selon son ambition et sa vanité.

Ce faste ruine les familles, et la ruine des familles entraîne la corruption des mœurs. D'un côté, le faste excite, dans les personnes d'une basse naissance, la passion d'une prompte fortune; ce qui ne se peut faire sans péché, comme le saint Esprit nous l'assure. D'un autre côté, les gens de qualité, se trouvant sans ressource, font des lâchetés et des bassesses horribles pour soutenir leurs dépenses; par-là s'éteignent insensiblement l'honneur, la foi, la probité et le naturel, même entre les plus proches parents.

Tous ces maux viennent de l'autorité que les femmes vaines ont de décider sur les modes; elles ont fait passer pour Gaulois ridicules tous ceux qui ont voulu conserver la gravité et la simplicité des mœurs anciennes,

Appliquez-vous donc à faire entendre aux filles combien l'honneur qui vient d'une bonne conduite et d'une vraie capacité est plus estimable que celui qu'on tire de ses cheveux ou de ses habits. La beauté, direz-vous, trompe encore plus la personne qui la possede, que ceux qui en sont éblouis ; elle trouble, elle enivre l'ame; on est plus fortement idolâtre de

soi-même, que les amants les plus passionnés ne le sont de la personne qu'ils aiment. Il n'y a qu'un fort petit nombre d'années de différence entre une belle femme et une autre qui ne l'est pas. La beauté ne peut être que nuisible, à moins qu'elle ne serve à faire marier avantageusement une fille. Mais comment y servira-t-elle, si elle n'est soutenue par le mérite et par la vertu ? Elle ne peut espérer d'épouser qu'un jeune fou, avec qui elle sera malheureuse, à moins que sa sagesse et sa modestie ne la fassent rechercher par des hommes d'un esprit réglé et sensible aux qualités solides. Les personnes qui tirent toute leur gloire de leur beauté deviennent bientôt ridicules elles arrivent, sans s'en appercevoir, à un certain âge où leur beauté se flétrit; et elles sont encore charmées d'elles-mêmes, quoique le monde, bien loin de l'être, en soit dégoûté. Enfin, il est aussi déraisonnable de s'attacher uniquement à la beauté, que de vouloir mettre tout le mérite dans la force du corps, comme font les peuples barbares et sauvages.

De la beauté passons à l'ajustement. Les véritables graces ne dépendent point d'une parure vaine et affectée. Il est vrai qu'on peut chercher la propreté,, la proportion et la bienséance, dans les habits nécessaires pour couvrir nos corps : mais, après tout, ces2 étoffes qui nous couvrent, et qu'on peut rendre com

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