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aux enfants à se prosterner devant les images, ni à invoquer les saints, ni à prier pour les morts, ni à gagner les indulgences. Donc M. de Fénélon n'admettoit aucun de ces articles de la croyance de l'église. Cette conséquence seroit aussi contraire à la bonne foi qu'aux regles de la logique. Si le silence dont on se prévaut étoit affecté, il en résulteroit tout au plus une preuve négative de l'indifférence de M. de Cambrai. Mais le prélat ne l'a point affecté : les bornes qu'il s'étoit prescrites sans doute afin d'être plus commode et plus utile, la nature même de son ouvrage, ne lui permettoient point de s'étendre sur les sujets qu'on prétend avoir été omis à dessein. En traitant de l'éducation des filles, il ne s'étoit point engagé, ni à composer des dissertations contre les protestants, ni à donner un cours complet de théologie. Il le fait assez entendre lorsqu'il dit au sujet de l'incarnation, chapitre VIII: « Je n'entreprends point << de dire ici comment il faut leur enseigner (aux enfants) le mystere de l'incarnation, car cet engage« ment me meneroit trop loin, et il y a assez de li« vres où l'on peut trouver à fond tout ce qu'on en << doit enseigner ». Ces raisons et le propre langage de l'auteur dissipent les soupçons que l'on vouloit répandre sur ses sentiments.

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Quelle injustice encore d'insinuer que M. de Fé

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nélon ne faisoit pas grand cas des cérémonies de l'église, parcequ'il recommande expressément qu'on ait soin de répéter souvent à ceux qu'on instruit,' Que les cérémonies servent à exprimer et à exciter « notre religion, mais qu'elles ne sont pas la religion même, qui est toute au-dedans puisque Dieu << cherche des adorateurs en esprit et en vérité »! Le censeur, prévenu des faux principes des réformés sur l'adoration, a cru les appercevoir dans cet avis de M. de Fénélon, qui a voulu simplement détourner de l'abus et de la confiance aveugle dans les seules pratiques extérieures,

Ainsi ce qui rend en effet cet ouvrage également utile aux catholiques et aux protestants, ce n'est pas que M. de Fénélon y affoiblisse la doctrine de l'église, mais c'est qu'il y pose des principes d'éducation qui doivent être communs aux protestants et aux catholiques,

DES FILLES.

CHAPITRE PREMIER.

De l'importance de l'éducation des filles: RIEN n'est plus négligé que l'éducation des filles. La coutume et le caprice des meres y décident souvent de tout on suppose qu'on doit donner à ce sexe peu d'instruction. L'éducation des garçons passe pour une des principales affaires par rapport au bien public; et quoiqu'on n'y fasse guere moins de fautes que dans celle des filles, du moins on est persuadé qu'il faut beaucoup de lumieres pour y réussir. Les plus habiles gens se sont appliqués à donner des regles dans cette matiere. Combien voit-on de maîtres et de colleges! Combien de dépenses pour des impressions de livres, pour des recherches de sciences, pour des méthodes d'apprendre les langues, pour le choix des professeurs! Tous ces grands préparatifs ont souvent plus d'apparence que de solidité; mais enfin ils marquent la haute idée qu'on a de l'éducation des garçons. Pour les filles, dit-on, il ne faut pas

qu'elles soient savantes, la curiosité les rend vaines et précieuses; il suffit qu'elles sachent gouverner un jour leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner. On ne manque pas de se servir de l'expérience qu'on a de beaucoup de femmes que la science a renduës ridicules: après quoi on se croit en droit d'abandonner aveuglément les filles à la conduite des meres ignorantes et indiscretes.

Il est vrai qu'il faut craindre de faire des savantes ridicules. Les femmes ont d'ordinaire l'esprit encore plus foible et plus curieux que les hommes: aussi n'est-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourroient s'entêter. Elles ne doivent ni gouverner l'état, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministere des choses sacrées: ainsi elles peuvent se passer de certaines connoissances étendues qui appartiennent à la politique, à l'art militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts méchaniques ne leur conviennent

pas; elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps, aussi-bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes: en revanche, la nature leur a donné en partage l'industrie, la propreté et l'économie, pour les occuper tranquillement dans leurs maisons.

Mais que s'ensuit-il de la foiblesse naturelle des

femmes? Plus elles sont foibles, plus il est important de les fortifier. N'ont-elles pas des devoirs à remplir, mais des devoirs qui sont les fondements de toute la vie humaine? Ne sont-ce pas les femmes qui ruinent ou qui soutiennent les maisons, qui reglent tout le détail des choses domestiques, et qui par conséquent décident de ce qui touche le plus près à tout le genre humain? Par là, elles ont la principale part aux bonnes ou aux mauvaises mœurs de presque tout le monde. Une femme judicieuse, appliquée, et pleine de religion, est l'ame de toute une grande maison; elle y met l'ordre pour les biens temporels et pour le salut. Les hommes même, qui ont toute l'autorité en public, ne peuvent par leurs délibérations établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l'exé

cuter.

Le monde n'est point un fantôme, c'est l'assemblage de toutes les familles: et qui est-ce qui peut les policer avec un soin plus exact que les femmes, qui, outre leur autorité naturelle et leur assiduité dans leur maison, ont encore l'avantage d'être nées soigneuses, attentives au détail, industrieuses, insinuantes et persuasives? Mais les hommes peuvent-ils espérer pour eux-mêmes quelque douceur dans la vie, si leur plus étroite société, qui est celle du mariage, se tourne en amertume? Mais les enfants, qui feront

TOME III,

C

« ՆախորդըՇարունակել »