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dans la suite tout le genre humain, que deviendrontils, si les meres les gâtent dès leurs premieres années?

Voilà donc les occupations des femmes, qui ne sont guere moins importantes au public que celles des hommes, puisqu'elles ont une maison à régler, un mari à rendre heureux, des enfants à bien élever. Ajoutez que la vertu n'est pas moins pour les femmes que pour les hommes: sans parler du bien ou du mal qu'elles peuvent faire au public, elles sont la moitié du genre humain, rachetées du sang de Jésus-Christ

et destinées à la vie éternelle.

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que

Enfin, il faut considérer, outre le bien font les femmes quand elles sont bien élevées, le mal qu'elles causent dans le monde quand elles manquent d'une éducation qui leur inspire la vertu. Il est constant que la mauvaise éducation des femmes fait plus de mal que celle des hommes, puisque les désordres des hommes viennent souvent et de la mauvaise éducation qu'ils ont reçue de leurs meres, et des passions que d'autres femmes leur ont inspirées dans un âge plus avancé.

Quelles intrigues se présentent à nous dans les histoires, quel renversement des loix et des mœurs quelles guerres sanglantes, quelles nouveautés contre la religion, quelles révolutions d'état, causés par le déréglement des femmes ! Voilà ce qui prouve

l'importance de bien élever les filles: cherchons en

les moyens.

:

CHAPITRE II.

Inconvénients des éducations ordinaires. L'IGNORANCE d'une fille est cause qu'elle s'ennuie, et qu'elle ne sait à quoi s'occuper innocemment. Quand elle est venue jusqu'à un certain âge sans s'appliquer aux choses solides, elle n'en peut avoir ni le goût, ni l'estime : tout ce qui est sérieux lui paroît triste, tout ce qui demande une attention suivie la fatigue la pente aux plaisirs, qui est forte pendant la jeunesse, l'exemple des personnes du même âge qui sont plongées dans l'amusement, tout sert à lui faire craindre une vie réglée et laborieuse. Dans ce premier âge, elle manque d'expérience et d'autorité pour gouverner quelque chose dans la maison de ses parents: elle ne connoît pas même l'importance de s'y appliquer, à moins que sa mere n'ait pris soin de la lui faire remarquer en détail. Si elle est de condition,' elle est exempte du travail des mains : elle ne travaillera donc que quelques heures du jour, parcequ'on dit, sans savoir pourquoi, qu'il est honnête aux femmes de travailler; mais souvent ce ne sera qu'une

contenance, et elle ne s'accoutumera point à un travail suivi.

En cet état que fera-t-elle? La compagnie d'une mere qui l'observe, qui la gronde, qui croit la bien élever en ne lui pardonnant rien, qui se compose avec elle, qui lui fait essuyer ses humeurs, qui lui paroît toujours chargée de tous les soucis domestiques, la gêne et la rebute; elle a autour d'elle des femmes flatteuses qui, cherchant à s'insinuer par des complaisances basses et dangereuses, suivent toutes ses fantaisies, et l'entretiennent de tout ce qui peut la dégoûter du bien : la piété lui paroît une occupation languissante, et une regle ennemie de tous les plaisirs. A quoi donc s'occupera-t-elle? A rien d'utile. Cette inapplication se tourne même en habitude incurable.

Cependant voilà un grand vuide qu'on ne peut espérer de remplir de choses solides: il faut donc que les frivoles prennent place. Dans cette oisiveté, une fille s'abandonne à sa paresse; et la paresse, qui est une langueur de l'ame, est une source inépuisable d'ennuis. Elle s'accoutume à dormir un tiers plus qu'il ne faudroit pour conserver une santé parfaite ; ce long sommeil ne sert qu'à l'amollir, qu'à la rendre plus délicate, plus exposée aux révoltes du corps: au lieu qu'un sommeil médiocre, accompagné d'un exercice réglé, rend une personne gaie, vigoureuse et robuste;

ce qui fait, sans doute, la véritable perfection du corps, sans parler des avantages que l'esprit en tire.

Cette mollesse et cette oisiveté étant jointes à l'ignorance, il en naît une sensibilité pernicieuse pour les divertissements et pour les spectacles; c'est même ce qui excite une curiosité indiscrete et insatiable.

Les personnes instruites et occupées à des choses sérieuses n'ont d'ordinaire qu'une curiosité médiocre ce qu'elles savent leur donne du mépris pour beaucoup de choses qu'elles ignorent; elles voient l'inutilité et le ridicule de la plupart des choses que les petits esprits qui ne savent rien et qui n'ont rien à faire sont empressés d'apprendre.

Au contraire, les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute d'aliment solide, leur curiosité se tourne toute en ardeur vers les objets vains et dangereux. Celles qui ont de l'esprit s'érigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité ; elles se passionnent pour des romans, pour des comédies, pour des récits d'aventures chimériques, où l'amour profane est mêlé. Elles se rendent l'esprit visionnaire, en s'accoutumant au langage magnifique des héros de romans: elles se gâtent même par pour le monde; car tous ces beaux sentiments en l'air, toutes ces passions généreuses, toutes ces aven

tures que l'auteur du roman a inventées pour le plaisir, n'ont aucun rapport avec les vrais motifs qui font agir dans le monde et qui décident des affaires, ni avec les mécomptes qu'on trouve dans tout ce qu'on entreprend.

Une pauvre fille, pleine du tendre et du merveilleux qui l'ont charmée dans ses lectures, est étonnée de ne trouver point dans le monde de vrais personnages qui ressemblent à ces héros : elle voudroit vivre comme ces princesses imaginaires qui sont dans les romans toujours charmantes, toujours adorées, toujours au-dessus de tous les besoins. Quel dégoût pour elle de descendre de l'héroïsme jusqu'au plus bas détail du ménage!

Quelques unes poussent leur curiosité encore plus loin, et se mêlent de décider sur la religion, quoiqu'elles n'en soient point capables. Mais celles qui n'ont point assez d'ouverture d'esprit pour ces curiosités, en ont d'autres qui leur sont proportionnées: elles veulent ardemment savoir ce qui se dit, ce qui se fait; une chanson, une nouvelle, une intrigue; recevoir des lettres, lire celles que les autres reçoivent; elles veulent qu'on leur dise tout, et elles veulent aussi tout dire; elles sont vaines, et la vanité fait parler beaucoup; elles sont légeres, et la légèreté empêche les réflexions qui feroient souvent garder le silence.

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