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ART. II.

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Elle s'assurera si les papiers desdits étrangers ou passagers sont

» en règle, et si les motifs de leur arrivée ou séjour n'offrent rien de » suspect.

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ART. III.

» Tout citoyen de la ville qui donnera logement ou retraite à des étrangers, et qui n'en fera pas la déclaration dans les vingt-quatre

» heures, sera réputé suspect ainsi que l'étranger auquel il sera donné retraite; et, en conséquence, l'un et l'autre seront mis en état d'ar»restation.

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ART. IV.

» La municipalité est spécialement chargée de surveiller la conduite

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» des étrangers et des passagers, même lorsque leur séjour ou de

» meure à Commune-Affranchie lui paraîtra justifié par des motifs » légitimes.

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Les representants du peuple.

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Dans l'espace de temps qui s'écoula entre l'arrivée de Reverchon et la publication des arrêtés que nous venons de relater, la Commission révolutionnaire, subissant l'inspiration de son patron Fouché, s'était démise elle-même de ses fonctions, déclarant qu'elle cessait d'exister parce qu'il ne restait plus dans les prisons des coupables à punir et des innocents à rendre à la liberté. Elle pensait avoir bien mérité de la patrie, puisqu'elle avait purgé le sol de la République de seize cent quatre-vingt-quatre scélérats, nobles et prêtres, fédéralistes et muscadins, etc..... Quelques détails sur les hommes qui composaient cet affreux tribunal ne seront pas inutiles.

Parrein, commandant en second l'armée révolutionnaire, en était le président. Il était petit de taille; sa figure sans caractère et sans expression, ombragée d'un chapeau mis de côté et orné de plusieurs panaches tricolores, ne répondait nullement à l'idée que l'on pouvait former d'après les instincts naturels de son cœur méchant et vindicatif. Il demeurait sur le quai Saint-Clair, dans la maison des Médaillons; son domicile, comme celui des tyrans de mélodrames, était annoncé par un grand nombre de sentinelles qui en obstruaient l'entrée et la rendaient presque inaccessible. La prière de la douleur, la sollici

tation de l'espérance faisaient anti-chambre sous la porte-cochère, ou bivouaquaient dans la rue à distance des baïonnettes, attendant le moment propice d'offrir un placet qui ne devait jamais contenir plus d'une page.

Après l'exercice de ses terribles fonctions, Parrein s'enfermait dans une chambre retirée de son appartement et passait tout son temps à faire des armes avec un maître d'escrime. Il possédait une grande force sur le sabre, et avait beaucoup de prétention au titre de spadassin. Faible et pusillanime par nature, il était parvenu à se former une certaine énergie en dehors de toutes ses habitudes, il avait su prendre le courage de son habit.

Corchand, enfant de Paris, logeait également dans la maison des Médaillons. D'un caractère plus décidé que Parrein, il vivait au jour le jour, et passait pour le philosophe du tribunal révolutionnaire. Vif, ombrageux, bilieux et sévère, il condamnait presque toujours; il voyait partout des coupables; il aurait accusé son père d'aristocratie, si la commission temporaire le lui eût recommandé. Cependant, ainsi que nous l'avons déjà dit, il aimait les arts, les belles et les grandes choses; son cœur de bronze n'était point inaccessible aux inspirations de l'amour; une parole, un regard de jolie femme s'adressant à lui, le faisait rougir comme un jeune séminariste; mais ces émotions si douces s'effaçaient bientôt emportées par la violence de ses passions mauvaises. « J'aime la femme, disait-il souvent, c'est vrai, j'en conviens; je l'aime comme la perfection idéale de ce monde, mais je lui préfère » encore la République ; à ce point, que la Vénus de Médicis, parée de » toutes ses grâces, coiffée du bonnet de la liberté, se glisserait en sans>> culotte dans ma couche, pour me faire signer un arrêt contraire à » la chose publique, que je l'en chasserais comme une ci-devant dans » les bras de Ripet.

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Lafaye, le troisième juge de la Commission, était des environs de Saint-Etienne. Il cherchait à cácher sous d'énormes moustaches noires, la douceur et l'expression de bonté dont sa physionomie ouverte et prévenante était empreinte. Sous les plis de son front abrité comme celui de ses collégues, par de longues plumes, il n'était pas rare de surprendre quelque signe d'intérêt ou de compassion. Le moins féroce de la Commission, il était le seul des juges qui fût abordable; il recevait le matin dans son lit, tenant les visiteurs à distance de deux pistolets armés. Parlant peu, s'ouvrant encore moins,

ne riant jamais, s'emportant quelquefois, inquiet et mélancolique, toujours il accueillait avec des formes rien moins que révolutionnaires les malheureux qui venaient en pleurant lui demander la grâce d'un condamné; il savait même au besoin trouver dans son âme des paroles de consolation ou d'espérance à leur douleur. Il condamnait rarement à mort, et lorsqu'il n'osait pas se déclarer pour l'acquittement il se prononçait toujours pour la détention.

Brunière, son ami intime, était porté pour les mesures de clémence. Il gémissait en secret sur ces boucheries d'hommes dont il était en quelque sorte le pourvoyeur, et professait un profond mépris pour ceux de ses collègues qui lui reprochaient sa modération.

Un jour il s'emporta violemment contre Parrein. Celui-ci lui faisait un crime d'un mouvement de pitié qu'il avait montré en écoutant la condamnation de Marie Adrian: « Que veux-tu, lui dit Brunière, je ne >> vaux rien pour tuer des femmes ou des hommes sans défense; comme » toi, je suis soldat de la République, aussi je sens là, dans mon cœur, » que je serais mieux placé sur un champ de bataille qu'à cette table » couverte d'un tapis vert, où souvent je crois voir du sang. Brunière était un fort bel homme; sa figure imposante et sévère, ses manières distinguées, le son de sa voix, l'expression de son regard, indiquaient une origine en complète contradiction avec fes fonctions démocratiques qu'il remplissait à contre cœur ; mais, ainsi qu'il le disait à son ami Lafaye : « J'aime mieux être juge que jugé !

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Fernex, le cinquième juge, bien inférieur à ses collègues par la naissance, l'éducation et l'intelligence, était cependant le membre le plus influent du tribunal, parce que toutes les fois que le côté gauche de la commission, représenté par Parrein et Corchand, contre-balançait le côté droit où siégeaient Brunière et Lafaye, sa voix faisait autorité; elle penchait presque toujours pour les moyens extrêmes. La révolution l'avait trouvé dans une position précaire et simple ouvrier en soie, sachant à peine lire et signer son nom; mais elle s'en était emparé comme d'un instrument d'autant plus facile qu'il était moins éclairé. Appelé plus tard à diverses places, qu'il remplit avec toute l'exagération voulue pour paraître bon sans-culotte, il passa du tribunal civil au tribunal révolutionnaire. Malgré les bornes retrécies de son intelligence, il avait cependant assez de jugement pour s'apprécier lui-même et reconnaître son incapacité en matière politique; aussi, faisant abnégation de tout sentiment d'amour-propre, s'était-il réduit lui-même à l'état de machine mise en mouvement par une

force motrice, dont il subissait servilement l'influence. Il vivait seul, et se tenait à distance de ses collègues qu'il aimait peu, qu'il estimait encore moins; car il avait vu, de prime abord, que les uns n'agissaient révolutionnairement que par intérêt, et les autres que par peur. Voué corps et âme à la cause du sans-culotisme qu'il confondait avec celle du peuple, il avait fait, depuis le 29 mai, le sacrifice de ses af fections et de sa volonté : Je mourrai avec joie, disait-il chaque jour, pour le triomphe de la révolution. L'homme riche, le négociant, le prêtre, le noble, qui résumaient à ses yeux et sous tous les degrés la personnification de l'aristocratie, n'avaient pas de plus dangereux ennemi. Une parole facile, un regard distingué, une main blanche, un pied petit, une mise recherchée, étaient pour lui des indices infaillibles de contre-révolution, et par conséquent, dignes de mort.

Telle était la composition de ce tribunal qui fut trop longtemps l'auxiliaire le plus actif des vengeances conventionnelles. L'arrivée de Reverchon, la suspension de la commission temporaire, les arrêtés précédemment rendus, l'abdication du tribunal révolutionnaire, ne rendirent aucunement la tranquillité à Lyon. Les esprits s'entretinrent dans une cruelle et permanente inquiétude, et le champ resta plus libre que jamais à l'intrigue, à l'intérêt personnel, qui se disputaient le pouvoir au milieu des ruines et des ossements épars. En arrivant à Paris, le 7 avril, Fouché de Nantes avait trouvé sur son passage le convoi fatal de ses amis, que la faction de Robespierre envoyait au bourreau; il se contenta de détourner les yeux, disant à l'un de ses parents qui l'accompagnait : Voici la route que je suivrai demain peut-être. Toutefois, persistant dans son arrogance, il eut le courage de paraître à la Convention, et même de monter à la tribune, pour présenter, en manière d'apologie, le rapport de ses faits et gestes à Lyon; mais ses collègues, entraînés par Bourdon (de l'Oise), réclamant l'exécution d'un décret qui s'opposait à la communication de ces rapports avant leur soumission préalable au centre du gouvernement, le renvoyèrent aux comités de salut public et de sûreté générale.

Fouché y parut le soir même, et d'une voix altérée par les fatigues d'un long voyage, plutôt que par les difficultés de la situation, il prononça cette longue et emphatique harangue trop importante pour que nous ne la reproduisions pas ici.

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Le comité de salut public m'a rappelé dans votre sein pour vous donner des renseignements sur la situation de Commune-Affranchie. Je vous dois un tableau rapide et sincère je vais le tracer >> avec la franchise et la chaleur qui conviennent à mon caractère, qui ne sait point obéir aux mouvements mobiles de l'opinion. Vous >> vous rappelez tout ce qui fut dit, il y a quelques mois, à votre barre, > contre ceux de vos collègues que vous aviez envoyés dans cette >> commune; on vous les présenta comme des barbares, des juges cannibales altérés du sang des hommes.' Vos âmes vertueuses fré>> mirent; elles se soulevèrent d'effroi à l'aspect de cette horrible image de notre caractère nous semblions appartenir à la classe >> des rois ou des tigres. Le rapport du comité de salut public, fait par Collot-d'Herbois, jeta une forte lumière sur tous les points de >> notre mission; il déchira ce voile odieux, épouvantable; il vous présenta le miroir fidèle de la vérité vous y vites de vastes tombeaux sans doute, mais qui ne renfermaient que les cendres des assassins de la liberté; c'était le peuple qui tenait la foudre, qui la lançait; elle semblait descendre du ciel. Vos âmes se sen>> tirent soulagées; elles pénétrèrent les nôtres : vous éprouvâtes nos >> sentiments, vous applaudites à notre sévère énergie, vous parta» geâtes notre satisfaction, et certes c'en est une que de faire couler » à grands flots le sang des conspirateurs. Son effusion ne peut porter l'attendrissement que dans l'âme de leurs complices ou des hom» mes prêts à le devenir. Le sang du crime contient, comprime, » étouffe les germes de l'innocence et de la vertu'; il faut qu'il dé>> borde sur la nature pour leur laisser un libre et rapide dévelop» pement.

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>> Vous voulûtes faire éclater la vengeance publique contre des >> hommes qui vous avaient si atrocement trompés; vous voulûtes

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⚫ punir leur sacrilége audace; mais ils avaient lancé, comme le Parthe en fuyant, leurs traits empoisonnés ; ils étaient rentrés dans » le repaire tortueux, impénétrable, où toutes les conjurations our» dissent leurs trames parricides, et d'où elles remuent, à une grande profondeur, toute la lie infecte que nous voyons s'élever dans ces temps d'orage, et qui tend à se filtrer dans les organes de la Ré» publique pour la déchirer.

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