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PROLOGUE.

LA COMÉDIE, la musique et le ballet'.

LA COMÉDIE2.

Quittons, quittons notre vaine querelle,
Ne nous disputons point nos talents tour à tour,
Et d'une gloire plus belle

Piquons-nous en ce jour :

Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

Unissons-nous....

TOUS TROIS3.

LA COMÉDIE^.

De ses travaux, plus grands qu'on ne peut croire,

1. LA COMÉDIE, La Musique, le BALLET. (1734.)

2. La Comédie commence ce récit. (Ms. Philidor.)

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3. TOUS TROIS ENSEMBLE. (1734.) - Dans la copie Philidor: Toutes les trois, ce qui doit s'entendre, non de trois chanteuses, mais des trois voix, car la troisième (le Ballet évidemment) est, d'après la partition, une voix d'homme extraordinairement grave. Ce refrain à trois se chantait avec les répétitions suivantes de paroles: « Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde (bis le vers entier), Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde, au plus grand roi du monde, Pour donner, etc. »>

4. Cet en-tête: LA COMÉDIE, est omis dans les éditions de 1674 et de 1682. La copie Philidor et l'édition de 1734 mettent ce second couplet dans la bouche de LA MUSIQUE; il semble d'abord naturel que les deux cantatrices qui se faisaient entendre dans le Prologue eussent chacune le sien; mais chacune aussi l'eût souhaité bien accommodé à sa voix; auraient-elles volontiers consenti à faire assaut en chantant, comme l'indique la partition, exactement, note pour note, la même chose? C'est à la rigueur possible, la ressource leur restant de varier l'exécution par quelques traits non écrits. Cependant l'édition originale de Molière donne les deux

Il se vient quelquefois délasser parmi nous':
Est-il de plus grande gloire,

Est-il bonheur plus doux?

Unissons-nous tous trois....

TOUS TROIS.

Unissons-nous.... 2

couplets à la Comédie; et, au dernier morceau chanté du III® acte, la copie Philidor laisse aussi à la Comédie deux couplets de suite: il est donc probable qu'ici et là l'un des dessus dut se contenter, comme la basse, de faire sa partie dans l'ensemble. 1. Dans la partition :

Il se vient délasser quelquefois parmi nous.

Dans la partition encore, le dernier vers de ce second couplet se lit autrement qu'à la fin du premier; la variante est remarquable: Pour plaire au plus grand roi de tous les rois du monde.

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L'AMOUR MÉDECIN.

COMÉDIE1.

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ACTE I.

SCÈNE PREMIÈRE.

SGANARELLE, AMINTE, LUCRÈCE,
M. GUILLAUME, M. JOSSE.

SGANARELLE.

Ah! l'étrange chose que la vie! et que je puis bien dire, avec ce grand philosophe de l'antiquité, que qui terre a, guerre a 2, et qu'un malheur ne vient jamais sans l'autre! Je n'avois qu'une seule femme3, qui est

morte.

1. L'édition originale n'a pas ici le sous-titre cOMÉDIE; dans l'édition de 1734, on a, de même qu'au titre initial, remplacé cOMÉDIE par COMÉDIE-ballet. 2. M. Le Roux de Lincy a cite de ce proverbe français deux exemples du seizième siècle, mais rimant d'autre manière : « Qui a terre ne vit sans guerre » (Gabriel Meurier, Trésor de sentences..., Rouen, 1578, p. 170); « Qui a terre si a guerre » (Contes et discours d'Eutrapel, tome I de l'édition de M. Assezat, p. 222).

3. Qu'une femme. (1674, 82, 1734.)- Nous ne pensons pas, comme Auger, que la variante soit de l'auteur, qu'il ait lui-même jugé nécessaire ou utile la suppression du mot seule. Ce pleonasme irréfléchi, ici mal appliqué, mais si commun dans maint autre tour, dans celui-ci, par exemple : « Je n'ai qu'une seule fille, » comme peut dire Sganarelle, va très-bien avec l'air de préoccupation que doit avoir l'acteur en ouvrant la scène : il nous dira lui-même tout

a Le Livre des proverbes français (1859), tome I, p. 87.

M. GUILLAUME.

Et combien donc en voulez-vous avoir1?

SGANARELLE.

Elle est morte, Monsieur mon ami. Cette perte m'est très-sensible, et je ne puis m'en ressouvenir sans pleurer. Je n'étois pas fort satisfait de sa conduite, et nous avions le plus souvent dispute ensemble; mais enfin la mort rajuste toutes choses. Elle est morte je la pleure. Si elle étoit en vie, nous nous querellerions. De tous les enfants que le Ciel m'avoit donnés, il ne m'a laissé qu'une fille, et cette fille est toute ma peine. Car enfin je la vois dans une mélancolie la plus sombre du monde, dans une tristesse épouvantable, dont il n'y a pas moyen de la retirer, et dont je ne saurois même apprendre la cause. Pour moi, j'en perds l'esprit, et j'aurois besoin d'un bon conseil sur cette matière. Vous êtes ma nièce; vous, ma voisine; et vous 3, mes compères et mes amis je vous prie de me conseiller tous ce que je dois faire.

M. JOSSE.

5

Pour moi, je tiens que la braverie et l'ajustement est la chose qui réjouit le plus les filles; et si j'étois que de vous, je lui achèterois, dès aujourd'hui, une

à l'heure qu'il perd l'esprit. Puis l'effet en devient comique par la question de M. Guillaume, qu'il amène on ne peut mieux.

1. En vouliez-vous avoir? (1682, 1734.)

2. Les exemplaires non cartonnés de 1682, le manuscrit Philidor, et les éditions françaises suivantes jusqu'à 1773 inclusivement portent : « Monsieur Guillaume mon ami. » Les exemplaires cartonnés omettent Guillaume, de même que l'édition originale, celles de 1669, de 1674, et les trois éditions étrangères 1675 A, 84 A, 94 B.

3. (A Lucrèce) Vous êtes ma nièce; (à Aminte) vous, ma voisine; (à M. Guillaume et à M. Josse) et vous. (1734.)

4. Tout ce que je dois faire. (1682, 1734.)

5. Sur ce mot, et sur le mot brave, que Sganarelle emploie à la scène suivante, voyez tome II, p. 112, note 3, et tome III, p. 266, note 5.

6. Que la braverie, que l'ajustement. (1682, 1734.)

belle garniture de diamants, ou de rubis, ou d'émeraudes.

M. GUILLAUME.

Et moi, si j'étois en votre place, j'achèterois une belle tenture de tapisserie de verdure1, ou à personnages, que je ferois mettre à sa chambre', pour lui réjouir l'esprit et la vue.

AMINTE.

Pour moi, je ne ferois point tant de façon; et je la marierois fort bien, et le plus tôt que je pourrois, avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander il y a quelque temps.

LUCRÉCE.

Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour le mariage. Elle est d'une complexion trop délicate et trop peu saine, et c'est la vouloir envoyer bientôt en l'autre monde, que de l'exposer, comme elle est, à faire des enfants. Le monde n'est point du tout son fait, et je vous conseille de la mettre dans un couvent*, où elle trouvera des divertissements qui seront mieux de son humeur.

SGANARElle.

Tous ces conseils sont admirables assurément; mais je les tiens un peu intéressés, et trouve que vous me conseillez fort bien pour vous. Vous êtes orfévre, Monsieur Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise. Vous vendez des tapisseries, Monsieur Guillaume, et vous avez la

1. Les tapisseries de verdure sont, comme on sait et comme le dit bien le mot, celles qui représentent surtout des arbres, des feuillages.

2. Dans sa chambre. (1682, 1734.)

3. Pour moi, je ne ferois pas tant de façon. Je la marierois. (1734.) 4. Un convent. (1697, 1710.) — Voyez tome IV, p. 486, note 5.

5. Des distractions à sa mélancolie.

6. Mais je les trouve. (1669, 74, 82, 1734.)

MOLIÈRE. V

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