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L'un pour l'autre à jamais garder ces sentiments!
Trahi de toutes parts, accablé d'injustices,
Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices,
Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.

PHILINTE.

Allons, Madame, allons employer toute chose,
Pour rompre le dessein que son cœur se propose1.

1805

1. Voyez ce qui est dit à la Notice sur le dénouement du Misanthrope, ci-dessus, p. 422, dernier alinéa.

FIN DU MISANTHROPE.

ADDITIONS AUX NOTES DU MISANTHROPE.

ADDITION A LA NOTE DU VERS 376 (p. 467).

Le nom et l'usage de ces cabinets a duré du seizième au dix-huitième siècle. « Il fâcha bien à ce petit garçon, dit Agrippa d'Aubigné parlant de lui-même au commencement de ses Mémoires 1, de quitter un cabinet de livres couverts somptueusement et autres meubles par la beauté desquels on lui avoit ôté le regret du pays. » Et dans l'épître xxxiv de Voltaire (celle des Vous et des Tu 2), il est encore question de

.... ces cabinets où Martin 3

A surpassé l'art de la Chine.

Les femmes en avaient de fort beaux en bois rare, de marqueterie, de laque, d'ivoire; c'est d'une de ces curiosités que Sganarelle, dans l'Amour médecin‘, propose à Lucinde de parer sa chambre; un chef-d'œuvre en ce genre, commandé par le Roi, fut un des lots de la loterie qu'il fit un jour tirer aux dames à Marly. A la mort de Molière, il s'en trouva deux à inventorier chez lui: un plus simple et massif, probablement à son usage, où il avait peut-être serré plus d'un de ses manuscrits; l'autre de luxe, appartenant sans doute à sa femme : « Un cabinet de racine de noyer, sur son pied, à six colonnes, garni de tiroirs et layettes, fermant à clef. Un petit cabinet de vernis de la Chine, fermant à clef 6. »

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1. Voyez p. 7 de sa Vie à ses enfants (année 1562), au tome Ier (1873) de l'édition des OEuvres complètes publiées par MM. Réaume et de Caussade. 2. Tome XIII, p. 8o.

3. Robert Martin, inventeur d'une sorte de très-beau laque pour meubles et carrosses, mort peintre vernisseur du Roi en 1765, trois mois avant la naissance de son célèbre petit-fils le chanteur Martin: voyez Jal.

4. Acte 1, scène п, ci-dessus, p. 307; voyez encore à la scène i de la Jalousie du Barbouillé, tome 1, p. 25.

5. « Le Roi...... en arrivant (à Marly),... mena les dames dans son appartement, où il y avoit un cabinet magnifique avec trente tiroirs pleins chacun d'un bijou d'or et de diamants. Il fit jouer toutes les dames à la rafle, et chacune eut son lot. Le cabinet vide fut pour la trente et unième dame. » (Journal de Dangeau, au 3 mars 1688.) Le passage suivant du Roman bourgeois de Furetiere (1666, tome ler, p. 72, de l'édition de M. Pierre Jannet) fait bien connaître la destination ordinaire, chez les dames, de ce meuble favori : « Il mena sa maîtresse à la foire Saint-Germain,... lui disant qu'il lui vouloit donner le plus beau cabinet d'ébène qui s'y trouveroit.... Soudain qu'elle eut ce présent, elle y serra avec joie ses plus précieux bijoux, et ne manqua pas surtout d'y mettre sa promesse de mariage qu'elle avoit du marquis. 6. Recherches sur Molière par M. Eud. Soulié, p. 268; voyez encore, p. 85, les vers cités de le Boulanger de Chalussay : celui-ci, dans la description qu'il

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Le mot cabinet se prêtait quelquefois très-naturellement au double sens de cabinet d'étude et de cabinet-meuble, par exemple dans cette phrase du Théâtre françois de Chappuzeau (1674, p. 64 de l'édition de M. Monval): « Si le comédien à qui l'auteur a laissé sa pièce pour l'examiner, trouve qu'elle ne puisse être représentée, et ne soit bonne que pour le cabinet, comme le sonnet qui cause un procès au Misanthrope, ce seroit une chose inutile au poëte de faire assembler la troupe pour la lui lire'. Mais nous ne doutons nullement que ce ne soit du meuble secrétaire qu'il est parlé dans les passages que nous allons encore citer.

Après que je vous eus confié mes satires, dit Furetière, dans l'Épître dédicatoire à tous ses amis, qui précède ses Poésies diverses (feuillet é ro et vo, 2de édition, 1664), << vous ne les avez pu tenir secrètes dans votre cabinet. » Et un peu plus loin : « Je donne ce conseil à tous ceux qui se mêlent d'écrire, quand ils auront fait quelque pièce qu'ils jugeront n'être pas assez bonne pour être imprimée, qu'ils la jettent incontinent au feu, et qu'ils ne la gardent point dans leur cabinet, sous prétexte d'une forte résolution qu'ils feront de ne la montrer à personne ou seulement à des amis très-particuliers. » On lit dans les Mémoires de Mme de Motteville 2, à propos de vers de Voiture (de l'impromptu de Rueil où il faisait allusion à Buckingham): « La Reine ne s'offensa point de cette raillerie; elle les a trouvés si jolis, qu'elle les a tenus longtemps dans son cabinet. Elle m'a fait l'honneur de me les donner depuis. » En 1685, Mme de Sévigné écrit à sa fille (tome VII, p. 428): « J'ai lu avec plaisir l'histoire de notre vieille chevalerie (la Généalogie des Rabutin envoyée par Bussy) si Bussy avoit un peu moins parlé de lui,... le reste étant vrai, on peut le trouver assez bon pour être jeté dans un fond de cabinet. »

Nous terminerons ces rapprochements en réunissant des exemples où, comme dans ce vers de Molière (un peu pour la facilité de la versification peut-être, mais par une désignation très-naturelle d'un meuble si bien en vue et de si fréquent usage), le mot n'est précédé que d'un simple article 3 :

Les dames cependant se fondent en délices

a faite de la chambre de Molière, n'a pas oublié « ces cabinets de prix. » Le mobilier que laissa Madeleine Béjard comprenait aussi «< un grand cabinet d'ébène avec plusieurs figures et monté sur ses pieds, garni de plusieurs tiroirs par le dedans. » (Recherches sur Molière, p. 250.)

1. Ainsi encore, dans une lettre de Corneille (1649, tome X, p. 449) : « J'espérois que cet hiver me mettroit en état d'accompagner mes remerciments de quelque pièce de théâtre.... Les désordres de notre France ne me l'ont pas permis, et ont resserré dans mon cabinet ce que je me préparois à lui donner. »

2. Tome 1, p. 182 (1644).

3. Nous empruntons le premier exemple à une des notes de M. Édouard Fournier sur l'Appendice joint par lui aux Chansons de Gaultier Garguille, P. 192 et 193. Le plus probant peut-être, les vers de Montfleury, sont cités dans une remarque du critique Duviquet qu'a reproduite Aimé-Martin.

Vey.Jo

Lisant leurs beaux écrits, et de jour et de nuit,
Les ont au cabinet sous le chevet du lit 1.

(Regnier, Satire II, vers 168-170.)

Allez au cabinet me querir un mouchoir 2:
J'en ai laissé les clefs autour de mon miroir.

(Corneille, la Suivante, vers 435 et 436, tome II, p. 149.)

Montfleury, en 1669, à la fin du Procès de la Femme juge et partie, qui, à l'imitation de la Critique de l'École des femmes de Molière, est l'apologie de sa pièce, fait ironiquement proposer contre elle, par Dorimène, l'une des femmes assemblées en tribunal, un arrêt, dont la conclusion est qu'en dépit de a son mérite éclatant, » un terme sera mis au scandale d'« un si fameux succès. » Si vous m'en croyez, dit Dorimène,

penchons vers la clémence :

Ordonnons par pitié, pour raison de ses faits,

Qu'elle entre au cabinet, et n'en sorte jamais.

Qu'est-ce à dire sinon qu'il faut retirer la comédie de la scène, et, suivant l'expression d'aujourd'hui, la reléguer dans les cartons?

La vraie interprétation du vers 376 paraîtra, croyons-nous, surabondamment établie. Il faut cependant bien ajouter, quelque irrévérence qu'on y puisse trouver au bas de ces pages du Misanthrope, qu'une autre explication a été donnée, qui n'a pas absolument répugné à tous, si peu qu'elle tienne compte du ton général de l'œuvre et, comme M. Ludovic Lalanne l'a parfaitement démontré3, des convenances résultant, non pas de la qualité seule des personnages, mais des relations qu'ils ont, de la situation où ils se trouvent à ce moment de la scène. Dans un livre en effet qui parut avant la fin du siècle, en 1690, mais, il est bon de le remarquer, à l'étranger, en Hollande, deux ans après la mort de l'auteur, et que les éditeurs ne durent pas se faire scrupule d'augmenter et compléter, à savoir dans la première édition du Dictionnaire de Furetière, il est nettement affirmé que « cabinet se prend quelquefois pour une garde-robe, >> et que Molière l'a employé avec cette signification dans ce vers du Misanthrope; c'est la première mention qu'on trouve de cet emploi, et c'est l'unique exemple qui en soit donné là; on en chercherait vainement un dans les écrits antérieurs et dans les quatre premières éditions du Dictionnaire de l'Académie française (1694-1762); d'autres mots étaient usités au vrai temps de Molière. C'est de ce temps même que date le livre de

1. Il s'agit donc ici d'un petit cabinet, d'une sorte de cassette.

2. On voit par quelques autres vers que c'est un riche mouchoir de cou qui est demandé par une maîtresse à sa suivante. Il y a ici une inversion; il faut lire : « Allez -au cabinet me querir un mouchoir; » il est clair que le cabinet et le miroir sont dans la même chambre.

3. Voyez l'excellent article qu'il a inséré, sur ce vers du Misanthrope, dans la Correspondance littéraire du 20 janvier 1859 (tome III, p. 82 et 83).

Chappuzeau, où M. Despois avait noté, comme excluant toute idée d'équivoque grossière, la phrase qu'on a lue plus haut; on jugera certainement que cette citation témoigne avec plus d'autorité que n'en peut avoir, sur ce point, le dictionnaire posthume de 1690, qu'en 1674 la réponse d'Alceste n'était pas entendue dans le sens que quelques spectateurs purent y attacher plus tard. Mais, pour le repousser, il y a surtout les raisons que M. Lalanne a si bien déduites de toute la marche de la scène. On pensera comme lui qu'il est peu admissible que Molière ait eu l'intention de prêter à l'homme du monde qu'est Alceste un langage analogue à celui qu'il a fait tenir, du moins avec vraisemblance, à Gros-René1; qu'il est moins concevable encore qu'une si étrange offense ne provoque pas immédiatement le défi de la fin, qu'elle ne soit pas même relevée d'un mot par Oronte, et qu'il demeure à écouter poliment la double récitation qui lui est faite du vieux couplet.

NOTE DU VERS 400 (p. 468).

Il serait bien intéressant de dire de quel temps est cette chanson, que Molière lui-même, s'il avait entrepris d'en composer une, n'eût peut-être pas réussi à faire aussi naturelle et aussi vieille. L'aurait-il rapportée de loin, de quelque province, ou traduite d'un dialecte du Midi? Elle n'a encore été trouvée dans aucun ancien recueil. Mais voici quelques renseignements qu'on a cru pouvoir donner sur son origine. D'après l'Histoire archéologique du Vendômois, par M. J. de Pétigny, correspondant de l'Institut, et d'après la Biographie d'Alfred de Musset, par M. Paul de Musset (la famille des deux frères est originaire de ce même pays, et a possédé le manoir dont il va être question), il y avait au seizième siècle, dans les environs de Vendôme, sur les bords de la rivière, tout près d'un lieu appelé le Gué-du-Loir, un petit château, où le duc de Vendôme, roi de Navarre, père d'Henri IV, Antoine de Bourbon, venait faire de galants et joyeux séjours, et qui avait reçu le nom de la Bonne-Aventure. On improvisait là, quelquefois avec l'assistance de Ronsard, l'un des commensaux de cette cour légère, de gaies chansons. L'une d'elles (M. Paul de Musset dit, en précisant, une « chanson satirique de l'illustre poëte même, et « sur les fredaines du roi de Navarre ») se terminait par deux vers, contenant quelque allusion au château et à son gué, et qui seuls (on n'en cite pas d'autres du moins) sont parvenus jusqu'à

nous :

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La bonne aventure au gué,

La bonne aventure.

1. M. Lalanne rappelle le vers 1438 du Dépit amoureux (tome I, p. 496). 2. Vendôme, 1849: voyez p. 342.

3. Édition Alph. Lemerre, 1877, p. 7 et note 1.

4. Antoine de Bourbon épousa Jeanne d'Albret en 1548, et succéda, en 1555, à son beau-père; il fut tué en 1562, au siége de Rouen,

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