CHAPITRE VI ÉTUDE DE PROSODIE Il existe un assez grand nombre de traités de versification qui envisagent consécutivement au point de vue théorique la série entière des problèmes de métrique qui peuvent se poser. Nous avons voulu en donner ici une application pratique en examinant exclusivement ceux de ces problèmes que soulève l'étude d'un seul texte. ANALYSE MÉTRIQUE D'UNE FABLE DE LA FONTAINE: LA MORT ET LE BUCHERON (La Fontaine, Fables, I, 17). Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée, Le créancier et la corvée, Lui font d'un malheureux la peinture achevée. « C'est, dit-il, afin de m'aider A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. » Le trépas vient tout guérir; Mais ne bougeons d'où nous sommes C'est la devise des hommes. COMPOSITION MÉTRIQUE GÉNÉRALE 2. La versification n'étant qu'un moyen d'expression, il s'ensuit que, dans toute poésie digne de ce nom, c'est la pensée qui détermine le système prosodique; et, si nous voulons étudier la conception métrique de la fable que nous avons sous les yeux, c'est dans la composition des idées elles-mêmes que nous en trouverons la raison. En voici le plan : I. Vers 1 à à physique, portrait présentation du personnage, préparation de l'exposé des sentiments. II. Vers 5 à 13 : exposé des sentiments du personnage, - préparation de l'action. III. Vers 13 à 17: action, préparation de la morale. IV. Vers 17 à 20: morale. 1. Pour toute cette étude nous nous sommes appuyé sur M. Grammont, Le vers français, ses moyens d'expression, son harmonie, Paris, Champion. En quelle mesure ces divisions logiques affectent-elles les divisions métriques ? I. Vers 1 à Quatre alexandrins à rimes embrassées; l'idée se termine avec la fin du quatrième vers. Il y a donc coïncidence entre l'unité métrique et l'unité de pensée ou, pour mieux dire, l'unité de pensée détermine l'unité métrique c'est une véritable strophe, un quatrain en l'espèce. III. Vers 13 à 17. Cette remarque s'applique également au quatrain 13-14-15-16 contenant l'« action ». Il est formé de deux alexandrins embrassant deux octosyllabes. Les rimes sont croisées. IV. Vers 17 à 20. Il en va encore de même aux vers 1718-19-20, quatrain comprenant la morale et composé de quatre vers de sept syllabes à rimes croisées. II. Vers 5 à 13. Nous avons ici un groupe de huit vers à rimes plates, tous alexandrins sauf l'avant-dernier, tion que nous justifierons ultérieurement. ехсер NATURE DES VERS EMPLOYÉS. - Sur 13 vers de 12 syllabes que renferme cette fable 11 sont des tétramètres, c'est-à-dire des vers ayant chacun quatre mesures comportant chacune un accent rythmique (indiqué par ). Les deux autres sont respectivement un pentamètre (v. 9) et un hexamètre (v. 3). Le pentamètre contient 5 mesures, comme son nom l'indique : 1. On peut aussi estimer que l'accent émotionnel porte sur la première syllabe de jamais. C'est un vers d'un usage courant au XVIIe siècle, particu lièrement chez notre auteur: vers dont le premier hémistiche reproduit identiquement le dessin de celui que nous venons d'examiner. L'hexamètre ou vers de 12 syllabes ayant 6 mesures et 6 accents rythmiques est d'un emploi rare au XVIIe siècle, notamment chez La Fontaine nous en avons cependant Quant aux vers de 8 et de 7 syllabes de notre fable, ils sont tous à deux mesures, mais ces mesures sont de longueurs inégales. LE VERS EN SOI. L'étude de chaque vers pris à part ne donne pas lieu à de nombreuses remarques. On peut cons tater toutefois la présence d'un rejet à l'hémistiche: Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée. Comme on voit, il n'y a pas de coupure syntaxique à la césure, d'où mise en relief du mot qui constitue le rejet. Même effet, mais plus intense, produit par le contre-rejet à l'hémistiche: |