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INTRODUCTION

A la prière de certains de mes anciens étudiants, j'ai réuni en un seul volume quelques articles qui ont paru séparément dans diverses revues pédagogiques ou littéraires.

D'une façon générale, ces écrits ont trait à l'enseignement de la langue et de la littérature françaises en Angleterre et s'adressent à des spécialistes se destinant eux-mêmes pour la plupart à cet enseignement, mais ils ne visent pas tous des étudiants également avancés. Certains reproduisent des cours faits devant des maîtres déjà très expérimentés, d'autres ont eu pour auditeurs des jeunes gens qui venaient seulement de terminer leurs études secondaires. Aussi ce volume ne constitue pas un livre au sens où l'on entend ordinairement ce mot, puisqu'il n'est qu'un assemblage fortuit de morceaux disparates réunis pour la commodité du lecteur.

Ces articles, il est vrai, ont tous été inspirés par un même désir, celui de faire pénétrer les étudiants britanniques aussi avant que possible dans l'étude de la langue et de la littérature françaises qu'on a voulu leur faire aimer en les leur faisant comprendre.

A cette unité interne de but correspond une unité de méthode qu'on discernera sans peine sous la variété des sujets. Du moins je souhaiterais que l'on retrouvât ici, non certes exposés for

mellement, mais vivants dans leurs applications pratiques, les quelques principes fort simples qui, déterminés par la fin même de l'enseignement, régissent et harmonisent toutes les activités des éducateurs. Ils se résument en peu de mots: recherche scrupuleuse de la vérité, souci de la culture générale, discipline de l'intelligence et du caractère.

Sans doute, l'étude d'une langue et d'une littérature ne saurait prétendre à donner à l'esprit le même genre d'éducation que les sciences expérimentales: des causes différentes engendrent des effets dissemblables et cette impossibilité naturelle conjure automatiquement le danger qu'il y aurait à couler toutes les intelligences dans le même moule. Toutefois, il y a dans la méthode des sciences positives une attitude de l'esprit qui conditionne le succès de tous les ordres d'études et dont se doivent pénétrer tous ceux qui ont à juger des hommes et des œuvres c'est l'amour passionné de la vérité.

La conscience que l'homme n'arrive jamais à la connaître, le sentiment que celle qu'il croit atteindre n'est que relative ont découragé certains grands esprits de sa poursuite.

Mais une telle attitude ne saurait convenir à l'éducateur. Pour lui, c'est l'effort seul qui compte. Cet effort que nous exigerons de nos élèves, c'est celui de chercher à connaître par eux-mêmes, par l'observation directe, personnelle, approfondie et surtout précise.

Nous voulons éliminer de leur esprit toutes les idées préconçues. Qu'elles soient justes ou fausses, il n'importe : celles qui sont justes résisteront à l'examen.

Là où ils avaient l'habitude de croire, il faut qu'ils prennent celle de vérifier. Chaque affirmation devra donc être le résultat

évident de preuves découvertes ou choisies par eux et qu'ils pourront fournir si besoin est.

Cette recherche passionnée de la vérité devient vite passionnante : elle se transforme en un des modes de l'être et nous conduit à travers les voies profondes et droites de l'intelligence. Dans leur tâche ardue, le maître et l'élève sont aidés par un instrument de premier ordre l'analyse. L'analyse, morcellement de l'obstacle qu'elle fragmente pour le surmonter.

Mais l'analyse n'est jamais qu'un moyen : elle doit ultérieurement conduire à la synthèse, à la découverte des rapports cachés qui est en définitive l'objet de toute connaissance. Aussi nous efforçons-nous de développer également chez nos étudiants l'aptitude à la synthèse. Nous voulons qu'ils sachent voir le détail en fonction du tout.

Pour prendre un exemple concret tiré de cet ouvrage, notre élève verra sans peine à quelle place se situe l'examen d'un point particulier de critique littéraire s'il envisage notre essai sur La Fontaine coloriste comme une subdivision de l'étude de la nature et si on lui montre ensuite quel rôle joue ce sentiment dans l'étude générale de l'auteur, du genre, de la période. C'est proprement une leçon de perspective intellectuelle, grâce à laquelle les détails apparaissent dans leur fonction organique.

Entraîné par l'exercice constant de l'analyse et de la synthèse, le travailleur ne tarde pas à en faire l'application aux ressources de son propre esprit dont il découvre ainsi la puissance et les limites.

Claire et indispensable vision, propre à lui enseigner deux vertus qui ne sont incompatibles qu'en apparence: la confiance en soi et la modestie.

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