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Typographie et lithographie RENOU et MAULDE, rue de Rivoli, 144. 47197

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AU BUREAU DE LA REVUE NATIONALE

28, QUAI DE L'ÉCOLE, 28UEVA YORK

1865

Réserve de tous droits

THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

241548

ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS.

1900.

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Napoléon n'a été jugé le plus souvent que par l'amour ou par la haine. Après sa mort, comme de son vivant, il lui a été donné de troubler profondément le cœur des hommes, et les combats qu'avait fait naître sa politique, on a continué à les livrer pour ou contre sa mémoire. Aux apothéoses populaires, aux glorifications intéressées de l'esprit de parti, aux complaisances d'historiens dupes ou complices des préjugés vulgaires, ont répondu d'ardentes représailles où l'on a vu trop souvent la vérité blessée avec ses propres armes. Sa gloire a trouvé toutefois beaucoup plus de courtisans que de détracteurs, car l'encens qu'on n'a plus pour l'idole, on le prodigue encore à ses adorateurs. L'histoire n'est pas faite pour de tels rôles, qui ne se concilient ni avec le calme de l'équité ni avec la dignité du juge.

Aujourd'hui que la détraction et l'apologie ont, en s'épuisant elles-mêmes, préparé tous les éléments d'une complète instruction, le moment semble venu pour des appréciations plus clairvoyantes. Si j'ose, après tant d'illustres contemporains, publicistes, philosophes, historiens, poètes, interroger à mon tour une figure que si peu d'entre eux ont pu fixer impunément, mon unique prétention

est de mettre à profit le bénéfice du temps. Les renseignements abondent, les mobiles sont mieux connus, les faits mieux éclaircis, les faux prestiges se dissipent. Quant aux passions qu'éveille en nous le souvenir de la part que la mémoire de Napoléon a eue de notre temps dans les défaites de la liberté, il est maintenant assez facile de s'en défendre. Le présent, devenu moins sévère, ne permet déjà plus de désespérer de l'avenir. Je ne me sens ni les préventions de la haine ni les superstitions de l'enthousiasme, et je repousserais comme une honteuse servitude toute opinion qui pourrait m'empêcher de m'incliner devant la vraie grandeur.

Il y a, d'ailleurs, dans l'histoire une force d'apaisement qui protége l'âme contre le fanatisme de l'esprit de parti. Si elle nous offre le spectacle décourageant de défaillances, de chutes et de contradictions sans nombre, elle nous montre, par des traits plus frappants encore, qu'il y a dans la civilisation une tendance constante à reprendre et à élever son niveau. Elle nous montre surtout que nous sommes toujours les artisans de nos propres destinées, et qu'il a toujours dépendu d'un peuple de ne pas se créer les nécessités sous le joug desquelles il a dû ensuite se courber. En dépit de certaines apparences mal comprises, l'histoire n'est pas une école de fatalisme, elle est un long plaidoyer en faveur de la liberté humaine.

Cet enseignement, qui est de tous les temps, ressort avec une force particulière de la marche progressive du siècle où naquit Napoléon jusqu'aux commencements de la Révolution française, et les déviations qui surviennent plus tard ne sauraient en affaiblir la portée. Jamais activité n'a été plus libre malgré ses illusions, jamais les hommes ne se sont élancés vers la vérité avec une ardeur plus généreuse et plus sincère. Le succès de leurs efforts a pu être compromis par les passions, par les fautes, par l'empire des préjugés anciens et les obstacles inhérents à la pratique des choses, mais leurs efforts n'ont pas été perdus. Une foule de grands hommes avaient agrandi, renouvelé tous les domaines de la science et de la pensée; ils avaient fait prévaloir une idée plus élevée de la dignité humaine, une conception plus étendue des droits des peuples et des individus ; ils avaient réconcilié la politique avec la justice et la liberté. Ils avaient adouci les mœurs, à ce point qu'on semblait vouloir faire grâce aux abus pour leur laisser le temps de mourir de leur mort naturelle.

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