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L'homme coquet et la femme galante vont assez de pair.

Il y a peu de galanteries secrètes : bien des femmes ne sont pas mieux désignées par le nom de leurs maque par celui de leurs amants.

ris

Une femme galante veut qu'on l'aime : il suffit à une coquette d'être trouvée aimable, et de passer pour belle. Celle-là cherche à engager; celle-ci se contente de plaire. La pre:nière passe successivement d'un engagement à un autre; à un autre ; la seconde a plusieurs amusements tout à la fois. Ce qui domine dans l'une c'est la passion et le plaisir; et, dans l'autre, c'est la vanité et la légèreté. La galanterie est un foible du cœur, ou peut-être un vice de la complexion; la coquetterie est un déréglement de l'esprit. La femme galante se fait craindre, et la coquette se fait haïr. L'on peut tirer de ces deux caractères de quoi en faire un troisième, le pire de tous.

Une femme foible est celle à qui l'on reproche une faute, qui se la reproche à elle-même, dont le cœur combat la raison; qui veut guérir, qui ne guérira point, ou bien tard.

Une femme inconstante est celle qui n'aime plus; une légère, celle qui déjà en aime un autre ; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime; une indifférente, celle qui n'aime rien.

La perfidie, si je l'ose dire, est une menterie de toute la personne : c'est dans une femme l'art de placer un mot ou une action qui donne le change, et quelquefois de mettre en œuvre des serments et

des promesses qui ne lui coûtent pas plus à faire qu'à violer.

Une femme infidèle, si elle est connue pour telle de la personne intéressée, n'est qu'infidèle : s'il la croit fidèle, elle est perfide.

On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu'elle guérit de la jalousie.

Quelques femmes ont, dans le cours de leur vie, un double engagement à soutenir, également difficile à rompre et à dissimuler : il ne manque à l'un que le contrat, et à l'autre que le cœur.

A juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse, sa fierté, ses dédains, il n'y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer son choix est fait, c'est un petit monstre qui manque d'esprit.

Il y a des femmes déjà flétries qui, par leur complexion ou par leur mauvais caractère, sont naturellement la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille.

Le rebut de la cour est reçu à la ville dans une ruelle, où il défait le magistrat même en cravate et en habit gris, ainsi que le bourgeois en baudrier, les écarte, et devient maître de la place : il est écouté, il est aimé; on ne tient guère plus d'un moment contre une écharpe d'or et une plume blanche, contre un homme qui parle au roi et voit les ministres. Il fait des jaloux et des jalouses; on l'admire,

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il fait envie à quatre lieues de là il fait pitié. Un homme de la ville est pour une femme de province ce qu'est pour une femme de ville un homme de la cour.

A un homme vain, indiscret, qui est grand parleur et mauvais plaisant, qui parle de soi avec confiance, et des autres avec mépris; impétueux, altier, entreprenant; sans mœurs ni probité; de nul jugement et d'une imagination très-libre, il ne lui inanque plus, pour être adoré de bien des femmes, que de beaux traits et la taille belle.

Est-ce en vue du secret, ou par un goût hypocondre, que cette femme aime un valet ; cette autre, un moine, et Dorine, son médecin ?

Roscius1 entre sur la scène de bonne grâce : oui, Lélie; et j'ajoute encore qu'il a les jambes bien tournées; qu'il joue bien, et de longs rôles; et que pour déclamer parfaitement il ne lui manque, comme on le dit, que de parler avec la bouche: mais est-il le seul qui ait de l'agrément dans ce qu'il fait? et ce qu'il fait, est-ce la chose la plus noble et la plus honnête que l'on puisse faire? Roscius d'ailleurs ne peut être à vous; il est à une autre; et, quand cela ne seroit pas ainsi, il est retenu : Claudie attend, pour l'avoir, qu'il se soit dégoûté de Messaline. Prencz Bathylle2, Lélie où trouverez-vous, je ne dis pas dans l'ordre des chevaliers que vous dédaignez, mais même parmi les farceurs, un jeune homme qui s'é

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Baron, comédien.- Pécourt, danseur de l'Opéra.

lève si haut en dansant, et qui passe mieux la capriole? Voudriez-vous le sauteur Cobus, qui, jetant ses pieds en avant, tourne une fois en l'air avant que de tomber à terre? ignorez-vous qu'il n'est plus jeune? Pour Bathylle, dites-vous, la presse y est trop grande; et il refuse plus de femmes qu'il n'en agrée. Mais vous avez Dracon le joueur de flûte : nul autre de son métier n'enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois ou le flageolet; car c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler : plaisant d'ailleurs, il fait rire jusqu'aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas? 11 enivre toute une compagnie, et se rend le dernier. Vous soupirez, Lélie : est-ce que Dracon auroit fait un choix? ou que malheureusement on vous auroit prévenue? Se seroit-il enfin engagé à Césonie, qui l'a tant couru, qui lui a sacrifié une si grande foule d'amants, je dirai même toute la fleur des Romains? à Césonie, qui est d'une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, et si sérieuse : je vous plains, Lélie, si vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu'ont tant de femmes romaines pour ce qu'on appelle des hommes publics et exposés par leur condition à la vue des autres. Que ferez-vous, lorsque le meilleur en ce genre vous est enlevé? il reste encore Bronte le questionnaire' : le peuple ne parle que de sa force et de son adresse; c'est un jeune homme

Le bourreau.

qui a les épaules larges et la taille ramassée, un nègre d'ailleurs, un homme noir.

Pour les femmes du monde un jardinier est un jardinier, et un maçon est un maçon : pour quelques autres plus retirées un maçon est un homme, un jardinier est un homme. Tout est tentation à qui la

craint.

Quelques femmes donnent aux couvents et à leurs amants: galantes et bienfaitrices, elles ont jusque dans l'enceinte de l'autel des tribunes et des oratoires où elles lisent des billets tendres, et où personne ne voit qu'elles ne prient point Dieu.

Qu'est-ce qu'une femme que l'on dirige? est-ce une femme plus complaisante pour son mari, plus douce pour ses domestiques, plus appliquée à sa famille et à ses affaires, plus ardente et plus sincère pour ses amis; qui soit moins esclave de son humeur, moins attachée à ses intérêts; qui aime moins les commodités de la vie ; je ne dis pas qui fasse des largesses à ses enfants, qui sont déjà riches, mais qui, opulente elle-même et accablée du superflu, leur fournisse le nécessaire, et leur rende au moins la justice qu'elle leur doit; qui soit plus exempte d'amour de soi-même, et d'éloignement pour les autres ; qui soit plus libre de tous attachements humains? Non, dites-vous, ce n'est rien de toutes ces choses. J'insiste, et je vous demande : Qu'est-ce donc qu'une femme que l'on dirige? Je vous entends, c'est une femme qui a un directeur.

Si le confesseur et le directeur ne conviennent

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