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AVERTISSEMENT

DES ÉDITEURS.

Si jamais, disoit-on à l'abbé de Guasço,

,, je me trouvois dans le cas de faire mon ,, apologie, je ne dirois autre chose, si

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non que je fus l'ami de Montesquieu, ,, et que j'en fus estimé je croirois en avoir dit assez ". C'est ainsi qu'on prétend justifier la publicité que ce savant Italien donna en 1767 à cette correspondance. Mais pour se faire honneur à soi-même on n'en fait pas toujours à ses amis: on écrit ses lettres familières sans prétention; elles sont destinées, comme le dit Montesquieu, à mourir entre deux amis. Guasco ne consulta ni la famille ni la mémoire de son ami.

Heureusement les entretiens d'un grand homme sont une source de lumières pour ses concitoyens, ou pour la postérité; et a Introduction aux Lettres persanes.

les lettres sont le miroir de l'ame. Celles de Montesquieu, qui forment l'histoire de ses ouvrages, inspirent de l'intérêt. On aime à connoître son opinion sur Voltaire, Buffon, Maupertuis, le cardinal de Polignac, Maurepas, Mancini Nivernais, Fontenelle, et d'autres illustres contemporains de sa gloire. Ses vertus privées le peignent d'ailleurs bien mieux que tous les éloges. Tous ces motifs rendent cette correspondance précieuse.

Par-tout nous avons respecté le texte et les notes de l'édition de 1767.

Des lettres piquantes nous ont été communiquées par des amis de Montesquieu; elles commencent à la soixante-dixième.

Nous avons rétabli les lettres relatives à madame Geoffrin, qui ne sont pas dans toutes les éditions. Le public jugera la querelle de cette dame célèbre avec l'abbé de Guasco a.

a Nous devons à cet érudit une Traduction de l'Esprit des Lois en italien, etc. Voyez l'éloge de Guasco par M. Dacier en 1784, tome XLV, Académie des inscriptions.

LETTRES FAMILIÈRES.

J

LETTRE PREMIÈRE.

AU PERE CERATI a,

de la congrégation de l'oratoire de saint - Philippe.

A Rome.

'EUS l'honneur de vous écrire par le courier passé, mon révérend père; je vous écris encore par celuici. Je prends du plaisir à faire tout ce qui peut vous rappeler une amitié qui m'est si chère. J'ajoute à ce que je vous mandois sur l'affaire. . . . que, si monseigneur Fouquet exige au-delà de la somme

a Montesquieu s'étoit lié avec lui dans la maison de M. le cardinal de Polignac, ambassadeur de France à Rome, lors de son voyage en Italie. M. Cerati est natif d'une famille noble de Parme, et étoit fort aimé du cardinal, qui le regardoit.comme un des hommes les plus éclairés d'Italie. Jean Gaston, dernier grand-duc de Toscane, l'attira dans son pays, et le nomma de l'ordre de saint Etienne de Toscane, et provéditeur de l'université de Pise. Ce fut lui qui donna le conseil à M. Muratori de composer ses Dissertations sur l'histoire du moyen âge, et d'entreprendre Pouvrage des Annales d'Italie.

b Jésuite revenu de la Chine avec M. Mezzabarba. Ce missionnaire s'étoit déclaré contre les rites chinois, et en avoit parlé au pape selon sa conscience. Comme, après cette déclaration, il fit sentir à sa sainteté que l'air du collège ne lui convenoit plus, Benoît XII le fit évêque in partibus, et le logea en Propaganda. Montesquieu l'avoit connu chez le cardinal de Polignac, et cut

que j'ai paru vous fixer, vous pouvez vous étendre et donner plus, et faire, par rapport aux autres conditions, tout ce qui ne sera pas visiblement déraisonnable. Je connois ici le chevalier Lambert, banquier fameux, qui m'a dit être en correspondance avec Belloni. Je ferai remettre sur-le-champ par lui l'argent dont vous serez convenu; car il me paroît que les volontés de M. Fouquet sont si ambulatoires qu'il ne vaut pas la peine de rien faire avant qu'elles ne soient fixées.

a

Je suis ici dans un pays qui ne ressemble guère au reste de l'Europe. Nous n'avons pas encore su le contenu du traité d'Espagne; on croit simplement qu'il ne changeoit rien à la quadruple alliance, si ce n'est que les six mille hommes qui iront en Italie pour faire leur cour à D. Carlos seront Espagnols, et non pas neutres. Il court ici tous les jours, comme vous savez, toutes sortes de papiers trèslibres et très-indiscrets. Il y en avoit un, il y a deux ou trois semaines, dont j'ai été très en colère. Il disoit que M. le cardinal de Rohan avoit fait venir d'Allemagne, avec grand soin, pour l'usage de ses diocésains, une machine tellement faite, que l'on pouvoit jouer aux dés, les mêler,

depuis avec lui une négociation pour la résignation en faveur de l'abbé Duval, son secrétaire, d'un bénéfice que ce prélat avoit en Bretagne.

a Les difficultés que M. Fouquet faisoit naître coup sur coup au sujet de la pension, ou de la somme d'argent qui devoit être stipulée, faisoient dire à Montesquieu que l'on voyoit bien que monseigneur n'avoit pas encore secoué la poussière.

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