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sur-Yon, sur le quai des Théatins, où étaient depuis quelque temps les écuries de Madame la Dauphine.

Il paraît un mémoire dans une affaire particulière qui est fait pour piquer la curiosité publique. Il s'agit d'un comte de Langeac, maréchal de camp, d'ancienne et illustre naissance, qui s'oppose à ce que M. d'Espinasse, gentilhomme de Champagne, chevalier de Saint-Louis, commandant au Pont-SaintEsprit, prenne le nom de Langeac. La femme de M. d'Espinasse, ci-devant Mme Sabatin, dans le monde et dans plusieurs actes, se fait appeler depuis plusieurs années marquise de Langeac et n'est connue aujourd'hui que sous cette dénomination, qu'elle paraît autorisée à porter à d'autant plus juste titre à présent qu'elle a acquis depuis peu la terre de Langeac. Mais comme précédemment Mme Sabatin avait pris le nom de Langeac en épousant M. d'Espinasse, que M. le comte de Langeac avait réclamé contre cette usurpation, il a persisté à demander que M. d'Espinasse fût restreint à son propre nom d'Espinasse, et il a eu recours à l'autorité de la Cour pour l'y contraindre, prétendant que l'acquisition faite depuis peu de la terre de Langeac, ne lui conférait pas le droit d'en porter le nom. Mais sur la déclaration de M. d'Espinasse qu'il n'entendait s'arroger par cette dénomination dans laquelle il persiste, aucune affinité avec la maison de Langeac, la Cour a rendu arrêt qui déboute M. le comte de Langeac de sa demande et opposition, et permet à M. d'Espinasse de prendre le nom de sa terre.

Le catafalque pour feu Madame la Dauphine doit se faire le 2 du mois prochain (1).

M. Perrinet de Pozeau, receveur général des finances, vient de

(1) La dauphine Marie-Thérèse de Saxe, à qui ses heureuses qualités avaient inspiré une grande estime à Louis XV, était morte au mois de mars 1767. Elle laissait trois fils et trois filles. Les trois fils, le duc de Berry, le comte de Provence et le comte d'Artois, ont été rois sous les noms de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Le duc de Berry n'était, en 1767, âgé que de onze ans.

mourir des suites d'une fluxion de poitrine; sa charge passe à M. Perrinet de Saugue, son neveu.

M. de Saint-Roman, conseiller au Parlement, épouse la fille unique de M. le président de Murat.

2 décembre. On a fait des retranchements dans le poëme d'Ernelinde qui rendent ce drame moins ridicule; mais malgré ces changements le public n'est pas content; il vient d'être donné pour la seconde fois sans succès. On y rend justice à quelques parties de musique qui font honneur au musicien; mais nul ensemble, un ton d'opéra comique, sur des paroles qui veulent être nobles, des ballets plus que médiocres. La réputation de Philidor y fera aller par curiosité, mais on ne compte pas que cet opéra dure plus d'un mois; on le fera aller le temps nécessaire pour qu'on en remette un autre sur la scène.

La Faculté de Théologie de Paris vient de publier sa censure contre Bélisaire; elle forme un volume in-quarto français et latin de cent vingt-trois pages, mais elle s'est restreinte à quinze propositions qu'elle dissèque et dont il résulte la plus détaillée condamnation. Elles sont toutes extraites duchapitre XV de l'ouvrage de M. de Marmontel. Mais les sages maîtres annoncent que s'ils examinaient à la rigueur les autres chapitres, plusieurs mériteraient de fortes qualifications. On doit se rappeler qu'il avait d'abord été question de censurer trente-sept propositions, suivant le rapport des commissaires, que l'assemblée de MM. de Sorbonne n'a pas jugé à propos d'adopter.

Cette censure est terminée par une espèce de profession de foi sur la tolérance civile en ce qui concerne la religion, article bien délicat et sur lequel la Faculté de théologie s'explique de façon à ne point laisser croire qu'elle veuille donner ses sentiments sur les droits de l'Église à l'égard des puissances de la terre. La conclusion de cette censure portée, dès le 26 juin dernier, a essuyé beaucoup de contradictions jusqu'à ce jour, ce qui en a retardé la publication. Peut-être eût-on bien fait de la prolonger encore davantage et encore mieux de ne la donner jamais. Elle atténue ce qu'elle veut proscrire.

3 décembre. Toutes les négociations avaient échoué auprès de M. de Montmartel de Brunoy pour le ramener à vivre dans la même maison avec sa mère. Il soutenait son sentiment avec beaucoup de respect et paraissait vouloir y persister; mais Me Gerbier a eu l'avantage de triompher de sa résistance et lui a parlé avec tant d'onction que M. de Brunoy a fini par consentir à venir partager son hôtel.avec Mme de Montmartel, en y faisant ménage à part.

4 décembre. M. Dubois arrive incessamment des eaux dont il a reçu beaucoup de soulagement; ses amis espèrent qu'il n'a plus de rechute à craindre et que sa tête lui suffira à beaucoup d'affaires.

M. le prince de Beauvau va tenir cette année les États en Languedoc.

Le Parlement a nommé des commissaires pour examiner l'édit concernant les effets royaux. Suivant cet édit, ces contrats sont réduits à 4% et l'avantage accordé par le Roi à 5, ne sera que pour les premiers titulaires.

Un embaucheur pour le compte d'un prince étranger ayant été convaincu de son manège pour favoriser l'émigration des sujets du Roi, a été arrêté et mis à la Bastille. La tête échauffée de sa situation, il s'est porté à la dernière violence sur un porte-clefs du château, lui a arraché son couteau dont il l'a frappé de plusieurs coups et il s'est ensuite poignardé lui-même.

Il y a eu sur l'état de la Reine plusieurs consultations dont le résultat est très-inquiétant.

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ANNÉE 1768.

4 janvier. Les comédiens italiens ont donné aujourd'hui la première représentation de l'Ile sonnante, comédie en trois actes, mêlée d'ariettes. Les paroles sont de M. Collé, lecteur de M. le duc d'Orléans; la musique de Monsigny.

6 janvier.— M. Le Brun, sculpteur français, a découvert dans l'église Saint-Charles, de Milan, une statue colossale de Judith en marbre blanc. On l'admire beaucoup.

8 janvier. Le 28 du mois dernier, a eu lieu aux Tuileries la distribution des prix aux élèves de l'école gratuite de dessin, fondée à Paris au mois de décembre 1766, et dirigée par M. Bachelier.

11 janvier. Dans un conseil tenu le lundi 4 janvier, S. M. a signé un nouveau projet pour continuer la reconstruction du Louvre. M. le Contrôleur général s'opposait à cette dépense; M. le marquis de Marigny l'a emporté; on y transportera la bibliothèque du Roi.

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1er février. On a brûlé au pied du grand escalier du Louvre le livre intitulé: Histoire impartiale des Jésuites, depuis leur établissement jusqu'à leur première expulsion, 2 volumes.

5 février. On attribue à M. le marquis de Puységur un livre sur l'origine et la propriété des biens ecclésiastiques. L'auteur soutient cette thèse: « que les biens ecclésiastiques ne sont autre chose que des usurpations sur la noblesse. »

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9 février. Le Parlement a supprimé l'écrit intitulé: Entretien sur l'assemblée des États de Bretagne, imprimé en 1766.

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21 février. M. de Voltaire, dans une brochure ayant pour titre L'Homme aux quarante écus, critique les Économistes des deux écoles, ceux qui veulent donner l'agriculture pour base à la richesse, et ceux qui la fondent sur le commerce.

3 avril. Le Parlement de Bretagne a rendu, le 29 mars, un arrêt qui condamne un nommé Boctoy à être renfermé le reste de ses jours dans une maison de force, comme soupçonné d'avoir voulu faire imprimer une brochure sur les troubles de France, et comme soupçonné d'avoir voulu mettre au jour deux libelles

Les

dont l'un est intitulė : Le Royaume des Femmes, et l'autre Aventures du comte de ***. Les manuscrits de ces deux ouvrages ont été lacérés et brûlés.

15 avril. Voici une anecdote dont on s'est beaucoup amusé ici :

M. le cardinal de Luynes se trouvant chez Mme la duchesse de Chevreuse, M. de Conflans plaisanta Son Éminence sur ce qu'Elle se faisait porter la queue par un chevalier de Saint-Louis. Le prélat répondit que c'était un usage; qu'il en avait toujours un pour gentilhomme caudataire; le prédécesseur de celui-ci, ajouta-t-il, portait le nom et les armes de Conflans. Il y a longtemps, en effet, répliqua l'autre avec gaieté, il y a longtemps qu'il se trouve dans ma famille de pauvres hères dans le cas de tirer le diable par la queue.» Son Éminence a été, dit-on, si furieuse qu'elle a exigé de Mme la Gouvernante qu'elle ne reçût plus chez elle ce mauvais plaisant.

10 août. Les Économistes, pour offrir le moyen d'apprécier leurs doctrines sur la grande question de la liberté du commerce des grains, ont établi des calculs d'après les extraits des registres des fermes, indiquant l'entrée et la sortie des blés et des farines. Il en résulte que ce n'est point à l'exportation qu'il faut attribuer la disette des blés en France, puisqu'il en est resté beaucoup plus qu'il n'en fallait pour nourrir tous les habitants.

11 août.-L'oraison funèbre de la Reine a été prononcée, dans l'église de Saint-Denis, par M. Lefranc de Pompignan, évêque du Puy. L'abbé de Voisenon a fait à ce sujet un assez mauvais calembour. Quelqu'un se plaignant à lui de la grande chaleur qu'il faisait dans l'église: C'est bien étonnant, dit-il, car vous avez la fraîcheur du Puy. »

2 octobre. On a exécuté ces jours-ci un arrêt du Parlement qui condamne Jean-Baptiste Josserand, garçon épicier, Jean Lécuyer, brocanteur, et Marie Suisse, femme dudit Lécuyer, au carcan pendant trois jours consécutifs; condamne en outre ledit Josserand à la marque et aux galères pendant cinq ans, et ladite

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