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des de Calonne (1). On ne saurait certainement être trop sévère, lorsqu'il s'agit de cette marquise de Pompadour ou de cette comtesse du Barry, dont les noms sont devenus inséparables de celui du Prince qui subit leur joug impérieux. Mais les récits qui dévoilaient les honteuses turpitudes de la Cour, ont eu pour conséquence inévitable de faire accueillir sans peine les bruits injurieux qui se répandirent, par la même voie, contre Louis XVI

de l'État se feraient en parlie en billets du trésor, cette mesure excita contre lui une fureur générale. Il fut obligé de céder sa place à Necker après avoir obtenu l'archevêché de Sens et la promesse du chapeau de cardinal. En 1790, il se jeta au milieu des troubles de la Révolution et prêta serment à la constitution civile du clergé, ce qui n'empêcha pas qu'il fut arrêté à Sens, comme suspect, le 9 novembre 1793. Il obtint la permission de rester chez lui; mais les mauvais traitements auxquels il fut en butte achevèrent de détruire sa santé depuis longtemps délabrée. Il succomba, le 16 février 1794, à une apoplexie foudroyante. On pensa qu'il avait hâté la fin de sa vie en prenant du poison. Le comte de Brienne, son frère, lieutenant général et ancien ministre de la guerre, mourut sur l'échafaud, le 10 mai 1794. Les trois fils du comte et sa fille, Mme de Canisy, périrent le même jour.

(1) Charles-Alexandre de Calonne, né à Douai en 1734, appartenait à une famille distinguée dans la magistrature. Il débuta dans l'administration en s'unissant au duc d'Aiguillon contre le procureur général La Chalotais. Nommé, en 1783, contrôleur général par le crédit du comte de Vergennes, il réussit pendant quelque temps à faire illusion sur l'état de plus en plus désastreux des finances. Ses prodigalités augmentèrent tellement le déficit, qu'il ne trouva d'autre moyen pour se tirer d'affaire que de convoquer une Assemblée des Notables, à laquelle il voulait demander l'égale répartition des impôts, l'anéantissement des priviléges de l'État, l'abolition des corvées et de la gabelle. Il avait accusé un déficit de 112 millions. L'Assemblée exigea qu'il lui rendit ses comptes. Il prétendit que le déficit était de 40 millions sous l'abbé Terray, qu'il s'était augmenté d'une pareille somme sous Necker et qu'il y avait ajouté 35 millions pour sa part. Necker lui répondit en soutenant que pendant sa gestion les recettes avaient excédé les dépenses de 10 millions. Abandonné par la Cour, Calonne ne put résister longtemps aux attaques dont son administration fut l'objet de la part de l'Assemblée des Notables qui l'accusèrent d'avoir voulu les tromper. Il fut exilé en Lorraine, et il se rendit de là en Angleterre, où il devint l'agent le plus actif de l'émigration. Napoléon lui accorda, en 1802, la permission de revenir en France, où il mourut quelques mois après son retour.

et Marie-Antoinette. Si les Turgot, les Necker et les Malesherbes, furent dénigrés comme l'avaient été les Ministres du dernier règne, les louables intentions du meilleur des Rois et les grâces aimables d'une Princesse qui, à son arrivée en France, avait gagné tous les cœurs, ne purent échapper aux critiques malveillantes et plus tard aux plus atroces accusations. Nous ne parlons ici que des temps antérieurs à la convocation des États-Généraux et des faits sur lesquels nos anecdotes nous offrent soit de courtes allusions, soit des détails circonstanciés. Les tentatives faites par la Reine pour échapper aux règles surannées d'une étiquette ridicule, pour goûter près de quelques personnes dignes de son choix, les charmes de l'amitié, et chercher quelques délassements aux soucis de la grandeur, dans des intimités privées, seront érigées en crimes. C'est de Versailles que partirent les premières atteintes qui firent au cœur de la femme les plus cruelles blessures, longtemps avant que le glaive révolutionnaire eût frappé la Reine martyre.

Les folliculaires qui la représentèrent comme vendue à l'Autriche n'eurent qu'à répéter les propos de quelques courtisans jaloux et les couplets satiriques qui donnaient à quelques légèretés sans importance, à son amour pour la musique, les spectacles et les fêtes élégantes, les plus noires couleurs. Des lettres diffamatoires furent répandues avec profusion à l'occasion de quelques événements, tels que cette aventure du collier qui entraîna des conséquences si fatales pour la malheureuse Princesse, quoiqu'il fût impossible d'y voir autre chose qu'un vol effronté tenté

par une vile intrigante abusant de la crédulité d'un prélat aussi corrompu que stupide (1).

A la suite de ce recueil de faits si variés et si intéressants que nous avons constitué avec une partie de la correspondance du gouverneur de la Normandie, nous publions les documents relatifs aux orageux débats qui ont eu lieu dans le Parlement de Rouen, aux séances des assemblées provinciales de Caen, de Rouen et d'Alençon, en 1787 et aux élections de 1789. Les cahiers envoyés aux États-Généraux par les grands et les petits bailliages de la province compléteront cette partie importante de notre publication.

Un arrêt du Conseil d'État, en date du 12 juillet 1708, établit une assemblée provinciale dans le Berri. Elle se composa de l'archevêque de Bourges, président, et de onze autres membres du clergé, de douze gentilshommes, propriétaires, et de vingt-quatre membres du Tiers-État, dont douze députés des villes et douze propriétaires des campagnes; en tout, quarante-huit. Les suffrages de

(1) Le nom de Marie-Antoinette reviendra bien souvent dans les nouvelles transmises à la province par nos nouvellistes de Paris et de Versailles. Nous aurons plus d'une fois à exprimer notre indignation ou à manifester nos respectueuses sympathies. Une louable émulation qui fait honneur aux écrivains de notre époque a donné naissance à un grand nombre de publications dans lesquelles exacte et bonne justice a été faite des imputations calomnieuses dont la Reine a été l'objet. Quelqu'opinion que l'on se fasse du rôle politique auquel sa situation même l'avait en quelque sorte condamnée, il n'est plus permis de fermer les yeux à la lumière dont est entourée l'existence de la femme qui vient de se révéler tout entière dans les épanchements de sa correspondance intime, récemment publiée.

On lira avec plaisir dans la Revue de la Normandie (août et septembre 1864) quelques pages touchantes consacrées à la mémoire de Marie-Antoinette, par un homme habitué à prendre en main toutes les nobles causes, M. Léon de la Sicotière, avocat à Alençon.

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vaient se compter par tête, ce qui détruisait à peu près la distinction des ordres. Un bureau permanent ou commission intermédiaire devait veiller dans l'intervalle à l'exécution des mesures adoptées par l'assemblée. L'année suivante, une autre assemblée du même genre fut établie dans le Dauphiné, avec quelques modifications. Le 11 juillet de la même année, une troisième assemblée provinciale fut réunie dans la généralité de Montauban. Enfin, une quatrième fut instituée pour le Bourbonnais, le Nivernais et la Marche, le 19 mars 1779. Un passage du mémoire adressé par Necker au Roi en 1778, et dans lequel il énonçait l'espoir de trouver dans les assemblées un appui contre les Parlements, forcés de se renfermer désormais dans leurs fonctions judiciaires, souleva contre le ministre et ses projets une telle opposition qu'il fut obligé de se retirer, le 19 mai 1781. Mais lorsque le désordre des finances qui n'avait cessé de s'accroître eut engagé, en 1787, Calonne à convoquer l'Assemblée des Notables, le premier objet qui leur fut soumis fut l'établissement des assemblées provinciales dans tout le royaume. Des arrêts du Conseil les établirent dans toutes les provinces où il n'en existait pas encore.

La Normandie, divisée en trois généralités, eut trois assemblées principales tenues, l'une à Rouen, sous la présidence du cardinal-archevêque de la Rochefoucauld; la seconde à Lisieux, sous la présidence de l'évêque, M. de la Féronnays, et la troisième à Caen, sous la présidence du duc de Coigny (1).

(1) Les États provinciaux de Normandie, dont l'origine remonte au temps des Ducs, n'existaient plus depuis l'année 1655. Dès l'année 1779, après l'érec

Ces trois importantes réunions déployèrent dans l'examen de toutes les questions qui leur furent soumises autant de lumières que de patriotisme. Elles se renfermèrent scrupuleusement dans les attributions qui leur avaient été données, et ce premier essai d'assemblées représentatives dut encourager le Gouvernement à marcher dans la même voie. Mais faut-il en conclure, comme l'a fait récemment un de nos publicistes les plus distingués, que ces assemblées régulièrement convoquées eussent pu accomplir les réformes administratives et politiques que la France entièrement proclamait comme indispensables (1)? Ce serait méconnaître le rapide développement des idées qui emporta les esprits et contraignit le Gouvernement à demander lui-même des réformes bien plus sérieuses et bien plus radicales aux États-Généraux.

Nous verrons avec quel enthousiasme la Normandie accueillit l'édit par lequel Louis XVI annonça officiellement cette réunion si désirée, et avec quel empressement les représentants de tous les ordres se précipitèreut dans les assemblées électorales.

Mais dès les premiers jours un sentiment unanime se fit jour dans les trois généralités. La province, prête à entrer, comme le reste de la France, d'un pas résolu dans la voie qui ouvrait à ses aspirations l'horizon le plus vaste

tion de l'assemblée de Montauban, plusieurs seigneurs normands et entre autres MM. les comtes de Blangy et de Balleroy avaient fait avec le duc d'Harcourt d'actives démarches auprès de Necker pour l'établissement d'une assemblée provinciale dans la généralité de Caen.

(1) Les Assemblées provinciales, par M. Léonce de la Vergne, Revue des deux Mondes, année 1862.

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