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lors en feuilles éphémères, à la manière anglaise et hollandaise. La France avait jusque-là vécu sous l'empire des deux Mercures, recueils de récits galants qui plaisent par leur naïve chevalerie; quelques noëls clandestins, chantés dans les petits soupers, venaient un peu aider la malignité publique. Si la presse n'avait rien de libre à Paris, placée sous la surveillance du parlement et du lieutenant de police, le sol était néanmoins inondé de productions clandestines qui, imprimées sous toutes les formes, dans les Pays-Bas, à Londres, venaient alors se répandre dans les rangs de la société. Quelques-unes, purement littéraires, ne se distinguaient que par un esprit philosophique et licencieux, dans ce temps d'aventures scandaleuses, de succès de coulisses; on y montrait une certaine vanité d'irréligion, qui aimait à se propager, à se montrer partout et dans tous les sens. De petits vers impies circulaient dans les petits soupers. M. de Maurepas, dans son exil, s'était complu à copier de sa main tous les noëls immondes de l'époque de Louis XV 1, et cet exemple était imité même par le vulgaire.

'Cette collection, que j'ai analysée et flétrie dans mon Louis XV', est à la Bibliothèque royale (Manuscrits) sous une reliure aux armes de Phélippeaux.

On n'arrivait pas encore au journalisme pur, à la feuille politique qui discute les intérêts et les actes du gouvernement; mais sous le titre d'Observateur hollandais, d'Espion anglais, on répandait dans la politique des examens sur les hommes et sur les choses, dont la tendance inévitable était de détruire l'esprit national pour le diriger vers les institutions de l'Angleterre, de la Hollande ou de Genève. Une monarchie à la manière de Louis XIV était-elle possible avec cette nouvelle tendance des esprits? La société entrait essentiellement dans les nouveautés politiques; une réaction immense se préparait à la mort de Louis XV. Est-ce que tous ces sentiments, longtemps comprimés, n'allaient pas faire une irruption profonde, irrésistible, à l'avénement du jeune monarque? Si l'expérience du vieux roi, si l'énergie du duc d'Aiguillon, de M. de Maupeou, n'avaient pu comprimer cette opposition terrible, éclatant partout, qu'arriverait-il alors sous un jeune roi naturellement poussé par l'opinion publique et avide de popularité?

1 L'Observateur, depuis l'Espion anglais, est un journal fort détaillé et souvent immonde, comme le siècle de vieux libertins qu'il reproduit: il est écrit sous la forme d'une correspondance entre milord All'Eye (tout yeux) et milord All'Ear (tout oreilles).

Cette opposition prenait pour bannière le bonheur public, la régénération du peuple, mots si doux à entendre, et qui doivent tant flatter les cœurs généreux et les joyeux accents d'un nouveau règne. Si les philosophes devaient blesser profondément les croyances et les affections du prince qui prenait le nom de Louis XVI, héritier de l'esprit pieux et des traditions catholiques de ses ancêtres, ce monarque ne serait-il pas plus facilement séduit par l'école des économistes, qui appuyait ses théories sur la pratique du bonheur matériel et de l'allégement des charges? Une grande séduction est toujours exercée par les choses nouvelles, lorsqu'elles ont pour principe la liberté et pour base la félicité des masses. Or, les économistes se posaient comme les adversaires de la misère, comme les amis des cultivateurs, des fermiers esprits positifs et d'application, qui devaient réaliser une félicité jusqu'alors inconnue, et leurs paroles devaient séduire le nouvel avénement. M. Turgot se proposait comme le symbole de l'économie, et Louis XVI le savait homme d'honneur et de conscience; une fois les idées économistes victorieuses, ne fallait-il pas donner le pouvoir à ses chefs? Ainsi, l'avènement du roi s'accomplissait sous la quadruple action : 4o des encyclopédistes, comme pensée philo

sophique, religieuse et sociale; 2o des économistes, sous M. Turgot, comme administration; 5o de la réaction parlementaire, comme embarras de gouvernement; 4o enfin des banquiers comme ressource financière.

Tout avénement a surtout ce danger d'être nécessairement soumis à un besoin de popularité, et ce besoin le fait recourir à toutes les choses neuves, qui deviennent de terribles liens pour l'avenir.

CHAPITRE II.

LES ORDRES DANS L'ÉTAT, LES POUVOIRS ET L'ADMINISTRATION.

Le clergé.

Origine morale de sa puissance.

Le haut clergé,

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Les cardinaux. - Archevêques. — Évêques. · Les ordres réguliers. Les jansénistes. Les débris des jésuites. - Éducation publique. Science et lumière du clergé. - Opposition à l'esprit philosophique. Ses écrivains. La noblesse.

Maisons princières de Lorraine, de Bouillon et de Rohan.

Les ducs et pairs. Distinction entre la haute et la basse noEsprit général des gentilshommes.

blesse.

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Ce qu'on appelle

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Les intendances. — Hié

rarchie des tribunaux. Organisation provinciale. Le presbytère. Le château. - La commune.

1775-1774.

Ce n'était pas à la suite d'usurpations violentes ou de manœuvres coupables que le clergé avait acquis dans la vieille monarchie sa grandeur et sa suprématie territoriale. Nul droit n'était fondé sur de

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