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La civilisation, quoiqu'elle ait pour but l'amélioration morale et le bien-être matériel du plus grand nombre, marche, il faut le reconnaître, comme une armée. Ses victoires ne s'obtiennent pas sans sacrifices et sans victimes: ces voies rapides, qui facilitent les communications, ouvrent au commerce de nouvelles routes, déplacent les intérêts et rejettent en arrière les contrées qui en sont encore privées; ces machines si utiles, qui multiplient le travail de l'homme, le remplacent d'abord et laissent momentanément bien des bras inoccupés; ces mines qui répandent dans le monde une quantité de numéraire inconnue jusqu'ici, cet accroissement de la fortune publique qui décuple la consommation, tendent à faire varier et à élever la valeur de toutes choses; cette source inépuisable de richesse qu'on nomme crédit enfante des merveilles, et cependant l'exagération de la spéculation entraîne bien des ruines individuelles. De là la nécessité, sans arrêter le progrès, de venir en aide à ceux qui ne peuvent suivre sa marche accélérée.

Il faut stimuler les uns, modérer les autres, alimenter l'activité de cette société haletante, inquiète, exigeante, qui, en France, attend tout du Gouvernement, et à laquelle cependant il doit opposer les bornes du possible et les calculs de la raison.

Eclairer et diriger, voilà notre devoir. Le pays prospère, il faut en convenir, car, malgré la guerre et la disette, le mouvement du progrès ne s'est pas ralenti. Le produit des impôts indirects, qui est le signe certain de la richesse publique, a dépassé, en 1856, de plus de 50 millions le chiffre déjà si exceptionnel de 1855. Depuis le rétablissement de l'Empire, ces revenus se sont accrus d'euxmêmes de 210 millions, abstraction faite des impôts nouveaux. Néanmoins, il y a une grande souffrance dans une partie du peuple, et tant que la Providence ne nous enverra pas une bonne récolte, les millions donnés par la charité privée et par le Gouvernement ne seront que de faibles palliatifs.

Redoublons d'efforts pour porter remède à des maux au-dessus de la prévoyance humaine.

Plusieurs départements ont été atteints cette année par le fléau de l'inondation. Tout me fait espérer que la science parviendra à dompter la nature. Je tiens à honneur qu'en France les fleuves, comme la révolution, rentrent dans leur lit, et qu'ils n'en puissent plus sortir.

Une cause de malaise non moins grave réside dans les esprits. Lorsqu'une crise survient, il n'est sorte de faux bruits ou de fausses doctrines que l'ignorance ou la malveillance ne propagent. On est même parvenu dernièrement à inquiéter l'industrie nationale, comme si le Gouvernement pouvait vouloir autre chose que son développement et sa prospérité.

Aussi le devoir des bons citoyens est de répandre partout les

sages doctrines de l'économie politique, et principalement de fortifier ces cœurs vacillants qui, au premier souffle, je ne dirai pas de la mauvaise fortune, mais au moindre temps d'arrêt de la prospérité, sèment le découragement, et augmentent le malaise par leurs alarmes imaginaires.

En présence des exigences diverses de la situation, j'ai résolu de réduire les dépenses sans suspendre les grands travaux, sans compromettre les existences acquises; de diminuer certains impôts sans porter atteinte aux finances de l'Etat.

Le budget de 1858 vous sera présenté en équilibre; toutes les dépenses prévues y ont été portées.

Le produit des emprunts suffira pour solder les frais de la

guerre.

Tous les services pourront être assurés sans que nous avons besoin de recourir de nouveau au crédit public.

Les budgets de la guerre et de la marine ont été réduits dans de justes limites, de manière à conserver les cadres, à respecter les grades si glorieusement gagnés, et à maintenir une force militaire digne de la grandeur du pays. C'est dans cette pensée que le contingent annuel a été fixé à 100,000 hommes; ce chiffre est de 20,000 au-dessus de celui des appels ordinaires en temps de paix; mais, d'après le système que j'ai adopté, et auquel j'attache une grande importance, les deux tiers environ de ces conscrits ne resteront que deux ans sous les drapeaux, et formeront ensuite une réserve qui fournira au pays, dès la première apparition du danger, une armée de plus de 600,000 hommes exercés.

La réduction dans l'effectif permettra d'améliorer la solde des grades inférieurs et de la troupe, mesure que la cherté des subsistances rend indispensable. Par la même raison, le budget alloue une somme de 5,000,000 pour commencer l'augmentation des plus faibles traitements d'une partie des petits employés civils, qui, au milieu des plus rudes privations, ont donné le bon exemple de la probité et du dévouement.

On n'a pas oublié non plus une allocation pour établir les paquebots transatlantiques, dont la création est demandée depuis si longtemps.

Malgré ces accroissements de dépenses, je vous proposerai de supprimer, à partir du 1er Janvier, 1858, le nouveau décime de guerre sur les droits d'enregistrement. Cette suppression est un sacrifice de 23,000,000; mais en compensation, et conformément au vou exprimé plusieurs fois par le Corps Législatif, je fais étudier l'établissement d'un nouveau droit sur les valeurs mobi lières.

Une pensée toute philanthropique avait engagé le Gouvernement à transférer les bagnes à la Guyane. Malheureusement la

fèvre jaune, étrangère à ces contrées depuis 50 ans, est venue arrêter le progrès de la colonisation. On élabore un projet destiné à transporter ces établissements en Afrique ou ailleurs.

L'Algérie qui, dans des mains habiles, voit ses cultures et son commerce s'étendre de jour en jour, mérite de fixer particulièrement nos regards. Le décret de décentralisation rendu récemment favorisera les efforts de l'administration, et je ne négligerai rien pour vous présenter, suivant les circonstances, les mesures les plus propres au développement de la colonie.

J'appelle votre attention sur une loi qui tend à fertiliser les landes de Gascogne. Les progrès de l'agriculture doivent être un des objets de notre constante sollicitude, car de son amélioration ou de son déclin datent la prospérité ou la décadence des empires.

Un autre projet de loi, dû à l'initiative du Maréchal Ministre de la Guerre, vous sera présenté : c'est un Code pénal militaire complet qui réunit en un seul corps, en les mettant en harmonie avec nos institutions, les lois éparses et souvent contradictoires rendues depuis 1790. Vous serez heureux, je n'en doute pas, d'attacher votre nom à une œuvre de cette importance.

Messieurs les Députés, puisque cette session est la dernière de votre législature, permettez-moi de vous remercier du concours si dévoué et si actif que vous m'avez prêté depuis 1852. Vous avez proclamé l'Empire; vous vous êtes associés à toutes les mesures qui ont rétabli l'ordre et la prospérité dans le pays; vous m'avez énergiquement soutenu pendant la guerre; vous avez partagé mes douleurs pendant l'épidémie et pendant la disette; vous avez partagé ma joie quand le Ciel m'a donné une paix glorieuse et un fils bienaimé; votre coopération loyale m'a permis d'asseoir en France un régime basé sur la volonté et les intérêts populaires. C'était une tâche difficile à remplir, et pour laquelle il fallait un véritable patriotisme, que d'habituer le pays à de nouvelles institutions. Remplacer la licence de la tribune, et les luttes émouvantes qui amenaient la chute ou l'élévation des Ministères, par une discussion libre, mais calme et sérieuse, était un service signalé rendu au pays et à la liberté même, car la liberté n'a pas d'ennemis plus redoutables que les emportements de la passion et la violence de la parole.

Fort du concours des grands Corps de l'Etat et du dévouement de l'armée, fort surtout de l'appui de ce peuple qui sait que tous mes instants sont consacrés à ses intérêts, j'entrevois pour notre patrie un avenir plein d'espoir.

La France, sans froisser les droits de personne, a repris dans le monde le rang qui lui convenait et peut se livrer avec sécurité à tout ce que produit de grand le génie de la paix. Que Dieu ne se lasse pas de la protéger, et bientôt l'on pourra dire de notre époque ce

qu'un homme d'Etat, historien illustre et national, a écrit du Consulat :-"La satisfaction était partout, et quiconque n'avait pas dans le cœur les mauvaises passions des partis était heureux du bonheur public."

CONVENTION de Cartel, entre la Prusse et la Russie. Signée à Berlin, le 27 Juillet, 1857.

8 out,

[Ratifications échangées à Berlin, le 4 Septembre, 1857.]

Au nom de la Très-Sainte et indivisible Trinité!

LA Convention de Cartel conclue le Mai, 1844,* entre Sa Majesté le Roi de Prusse et Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies, Roi de Pologne, étant expirée, et quelques unes de ses dispositions ayant été reconnues susceptibles de recevoir plus de développement et de précision, Leurs Majestés ont jugé utile et convenable de conclure une nouvelle Convention de Cartel et ont à cet effet nommé des Plénipotentiaires, savoir:

Sa Majesté le Roi de Prusse : le Sieur Othon Théodore Baron de Manteuffel, Président de Son Conseil et Son Ministre des Affaires Etrangères, Chevalier des Ordres de Prusse de l'Aigle Noir et de l'Aigle Rouge avec feuilles de chêne, couronne et sceptre, Grand Commandeur de l'Ordre de Hohenzollern, Commandeur de l'Ordre de St. Jean de Prusse, et Chevalier Grand-Croix des Ordres de Russie de St. André, de St. Alexandre-Newsky, &c.;

Et Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies, Roi de Pologne: le Sieur Philippe Baron de Brunnow, Son Conseiller privé actuel, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire près Sa Majesté le Roi de Prusse et Leurs Altesses Royales les Grands-Ducs de Mecklembourg-Schwerin et de Mecklembourg-Strelitz, Chevalier Grand-Croix des Ordres de Russie de St. Wladimir de Première Classe, de St. Alexandre-Newsky en diamants, de l'Aigle Blanc, de Ste. Anne de Première Classe et de St. Stanislas de Première Classe et des Ordres de Prusse de l'Aigle Rouge de Première Classe et de St. Jean de Jerusalem, &c.

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, ont conclu et signé la Convention de Cartel, dont la teneur suit ici mot à mot.

ART. I. La présente Convention qui sera mise à exécution quatre semaines après l'échange des ratifications, s'appliquera :

(a) A tous les individus qui déserteront le service actif des armées respectives, ainsi qu'aux effets militaires qu'ils auront em

*Vol. XLIV. Page 704.

portés, tels que chevaux, harnais, armes, habillements; en outre, aux individus, qui n'ont obtenu de congé qu'à condition de se présenter au premier appel pour rentrer au service actif et qui en conséquence appartiennent à la réserve;

(b) A tous les individus qui, selon les lois de l'Etat qu'ils ont quitté avec ou sans l'intention d'y rentrer, sont sujets, ne fût-ce que dans la suite, au service militaire;

(e) Aux individus qui, ayant commis des crimes ou délits dans l'un des deux Etats, se sont enfuis sur le territoire de l'autre, pour se soustraire aux poursuites de la justice et à la peine qu'ils ont

encourue.

II. Si les individus, mentionnés dans l'Article précédent sous la lettre a, sont saisis en uniforme, si l'on trouve sur eux d'autres objets appartenant à l'équipement militaire, ou, en général, s'il est hors de doute qu'ils ont déserté le service militaire de l'autre Etat, ils seront sur-le-champ, et sans réquisition préalable de cet Etat, arrêtés et conduits avec les effets militaires trouvés sur eux, à la frontière qui sépare les deux Etats, pour y être remis aux autorités respectives chargées de les recevoir. Quant aux individus dont la désertion n'est pas manifeste, mais devient probable par suite de leur propre déclaration ou de circonstances particulières, les autorités militaires ou civiles qui auront eu connaissance du séjour d'un pareil individu, prendront aussitôt les mesures nécessaires pour empêcher son évasion. Elles feront ensuite dresser un procès-verbal à ce sujet, et le communiqueront aux autorités militaires provinciales de l'autre Etat, qui alors déclareront, si le prévenu a effectivement déserté ou non, sur quoi, dans le cas de l'affirmative, le déserteur leur sera livré de la manière susindiquée.

Les individus mentionnés dans l'Article précédent, lettre b, ne seront arrêtés et restitués qu'à la suite d'une réquisition expresse qui, dans chaque cas spécial, sera faite par les autorités compétentes de l'Etat auquel ces individus appartiennent.

III. (1) L'extradition des individus appartenant aux classes a et b de l'Article I n'aura cependant pas lieu, si avant de s'être rendus dans l'Etat qu'ils ont quitté en dernier lieu, ou avant d'y avoir pris service, ces individus ont été sujets de l'Etat où ils se sont retirés lors de leur désertion, et que les rapports résultant pour eux de cette qualité, n'aient pas été annulés suivant les formes prescrites par les lois de cet Etat. Mais même dans ce cas on rendra les chevaux et les effets militaires que ces individus auraient emmenés avec eux en désertant.

(2) De même si un individu appartenant à l'une ou l'autre de ces deux classes s'est rendu coupable de quelque crime ou délit dans l'Etat où il s'est retiré, son extradition pourra être refusée jusqu'à ce qu'il ait subi la peine que lui infligent les lois de cet Etat.

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