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Mr. le chargé d'affaires du Portugal à la Haye, étant informé de l'existence de ces nouveaux documents, a déclaré verbalement et par sa lettre du 12 janvier 1893, ne pas juger utile d'en prendre connaissance, à moins de nouveaux ordres de son gouvernement.

Des mémoires et documents justificatifs des hautes parties, dûment examinés, il résulte ce qui suit.

En fait:

Feu M. A. Lavarello, négociant, ayant demeuré à Recco, province de Gênes, sujet italien, maintenant représenté par ses ayant cause, et dont le gouvernement d'Italie a fait sienne la réclamation contre celui de Portugal, a demandé réparation de dommages soufferts par lui:

(a) Parce que, étant parti le 19 août 1884 de Gênes, à bord du pyroscaphe postal italien Adria, lequel faisait le voyage à l'Amérique du sud avec escale aux îles de Cap Vert, ayant patente nette délivrée par le consul de Portugal à Gênes, et sans aucun cas de maladie à bord, il est arrivé le 28 du même mois à Saint Vincent de Cap Vert et que dans ce port les autorités sanitaires et civiles ont refusé à lui Lavarello et à d'autres voyageurs destinés au même port, ainsi qu'au navaire entier, la libre pratique; que non seulement ces autoritiés ont imposé à l'Adria et aux voyageurs et marchandises que ce navire portait, la quarantine de rigueur, mais qu'il fut refusé à lui Lavarello de purger sa quarantaine et de débarquer les 37 colis de marchandises qu'il avait apportées, soit à Saint Vincent même dans une embarcation qu'il aurait louée à cet effet, soit au lazaret existant à Porto Praia dans l'ile de Santhiago. Par suite de ces mesures, par lui qualifées d'illegales et arbitraires, il fut dans la nécessité de rester à bord de l'Adria avec les dites marchandises et de faire le voyage aux ports de la république de la Plata et retour à Saint Vincent de Cap Vert; et il dit avoir éprouvé de grandes pertes sur les marchandises; à ces causes il réclama pour dommages, consistant en ces pertes et en faux frais, la somme de lires 15,500.

(b) Que dans le même voyage du même pyroscaphe Adria, lui Lavarello ayant acheté, et embarqué, à Buenos Ayres et à Montevideo, 6:000 sacs de maïs pour la somme de lires 55,352.20, le fret pour Saint Vincent compris, il arriva de nouveau à ce port le 18 octobre (effectivement c'était le 16 octobre) 1884; que l'Adria y fut mis en quarantaine, quoique n'ayant aucun cas de maladie à board et venant d'un port indemne; que le même jour les dites autorités de Saint Vincent permirent que lui et les autres voyageurs à même destination louassent une barque (schooner) pour les transporter eux et leurs bagages et marchandises au lazaret de Porto Praia, à l'effet d'y purger la quarantaine; qu'en même temps la permission fut accordée au capitaine de l'Adria, M. Caffarena, de décharger les sacs de maïs, qui se trouvaient à bord, pour les importer à la douane de Saint Vincent aprés qu'ils eussent été exposés à l'air pendant vingt-quatre heures dans des gabares ouvertes; que lui Lavarello loua à cet effet deux gabares de Messieurs Cory Brothers à Saint Vincent; mais qu'aprés que 512 sacs de maïs eussent été transbordés, un contre-ordre fut donné et l'Adria se trouva forcé de continuer le voyage, de sorte que 5,488 sacs de maïs, restant à bord, durent être transportés à Gênes, où ils furent vendus au meilleur prix possible, savoir de lires 39,284, tous frais déduits, de sorte que lui Lavarello éprouva une perte, au lieu du gain espéré sur cette marchandise, laquelle, d'après lui, valait dans ce même temps à Cap Vert

environ lires 33 le sac, at aurai done pu rapporter lires 198,000; il estima le dommage souffert à cette cause à lires 134,000.

(c) Que les 512 sacs de maïs débarqués par suite des ordres mentionnés ci-dessus, restèrent pendant quelquers jours exposés à la pluie dans une ou deux gabares ouvertes, avant d'être emmagasinés en douane à Saint Vincent; qu'à cette cause le maïs fut avarié en partie et que lors de l'entrée en douane de cette marchandise, il manqua 38 sacs, probablement volés; que les 474 sacs restants durent être vendus à bas prix et ne rapportèrent que 393,000 réis, ou environ lires 2,000 (ce compte a depuis été rectifié par le plaignant et le rendement des 474 sacs de maïs reconnu avoir été 663,385 réis); le dommage qu'il a souffert de ce chef a été évalué par lui à lires 14,688.20.

En total la réparation de dommages demandée s'élève à lires 164,188.20. A ces plaintes et réclamations le gouvernement de Portugal, dans son mémoire, accompagné de documents justificatifs, oppose (en substance) les moyens de défense suivants:

(ad a) Qu'il est vrai que le 28 août 1884 les autorités de Saint Vincent de Cap Vert ont refusé à l'Adria, venant de Gênes, la libre pratique et ont appliqué la quarantaine de rigueur aux voyageurs et aux marchandises se trouvant à bord de ce navire, même qu'elles ont refusé aux voyageurs destinés aux les de Cap Vert de louer une embarcation à l'effet de se fair transporter avec leurs bagages au lazaret de Porto Praia, mais que les autorités portugaises à Saint Vincent, savoir le gouverneur des îles de Cap Vert et le délégué de la Junte de santé, n'ont pas défendu au capitaine de l'Adria de se rendre à Porto Praia; qu'ils lui ont seulement fait entendre qu'il ne pouvait pas compter qu'il y serait admis pour purger la quarantine; que d'ailleurs les autorités de Saint Vincent ont agi en cette affaire en conformité aux lois existantes, tout au moins aux instructions données par le gouvernement, parce que le port et la ville de Gênes étaient infectés de choléra, ce qui n'était pas encore officiellement porté à la connaissance des autorités de Cap Vert, mais ce qu'elles avaient appris par lettres et télégrammes particuliers; mais que depuis lors ces nouvelles se sont trouvées confirmées par un bulletin de la santé maritime de Lisbonne, du 6 août 1884, inséré dans le Diario do governo n.o 177, et reçu à Saint Vincent le 12 septembre 1884, vu que cet organe officiel a déclaré le port de Gênes infecté de choléra depuis le 31 juillet 1884; que la patente nette, délivrée par le consul portugais à Gênes, ne donnait aucun droit au navire pour être admis en libre pratique, mais ne valait qu'à titre d'information pour les autorités de Saint Vincent; que d'ailleurs les pertes subies par Lavarello sur les 37 colis de marchandises n'étaient pas prouvées, mais que, s'il avait subi des dommages par le fait des mesures sanitaires, celles-ci avaient été appliquées à bon droit et seulement pour des motifs de salut public.

(ad b) Que le 16 octobre 1884, l'Adria, en revenant au port de Saint Vincent, après un voyage à Buenos Ayres et Montevideo, a été mis en quarantaine, quoique ces deux ports fussent indemnes et qu'il n'eût pas de malades à bord, à cause de sa provenance de Gênes, laquelle ville etait alors officiellement déclarée infectée de choléra; que vu la longueur du voyage (58 jours en tout) et les patentes nettes délivrées dans l'Amérique du Sud, les mesures sanitaires furent moins rigoureuses qu'au mois d'août; qu'à cette cause Lavarello et les autres voyageurs destinés aux îles de Cap Vert purent se rendre avec leurs baggages et marchandises au lazaret de

Porto Praia dans une embarcation (le schooner Maria) par eux louée; que de même la permission fut donnée de débarquer une cargaison de maïs, seulement sous la condition d'être exposée à l'air dans des gabares ouvertes pendant un jour; que cette dernière clause était motivée par ce que le maïs pouvait s'être trouvé en contact avec les marchandises chargées à Gênes.

Que, quant au contre-ordre qui aurait empêché le déchargement de la plus grande partie des 6,000 sacs ne maïs, le gouvernement de Portugal considère la réclamation de Lavarello comme mal fondée, parce qu'il n'a pas prouvé être propiétaire de cette quantité de maïs, ni que ce maïs avait été chargé à Buenos Ayres on à Montevideo avec destination pour Saint Vincent, ni qu'un contre-ordre au déchargement ou un ordre pour précipiter le départ de l'Adria au 17 octobre 1884, aient été donnés; qu'au contraire le capitaine de ce navaire a déchargé autant de maïs qu'il a voulu, savior 512 sacs, dont un connaissement se trouve parmi les pièces justificatives de Lavarello, et qu'ensuite ce capitaine est parti librement du port de Saint Vincent après avoir pris des vivres et du charbon à bord.

(ad c) Que ni l'avaire, qui aurait été causée par la pluie pendant que les 512 sacs de maïs étaient exposés à l'air dans une ou deux gabares ouvertes, ni le prétendu vol de 38 sacs n'ont été prouvés; qu'au contraire il n'a pas plu à Saint Vincent pendant les 17 et 18 jours d'octobre et en petite quantité au 19o de ce mois, auquel jour on avait fini d'emmagsiner le maïs en douane; que 512 ou même 514 sacs de cette céréale ont été dédouanés en bon état, excepté quelque coulage d'un petit nombre de sacs; que les droits d'entrée ont été payés sur le nombre entier par Lavarello ou son mandataire; qu'ainsi il n'y a pas lieu d'admettre qu'il serait dû au plaignant une réparation de dommages éprouvés par lui à ce sujet.

En droit:

Considérant qu'il y a lieu de poser les trois questions mentionnées dans le compromis, sépararément à l'égard de chacun des griefs mis en avant par le plaignant; et ainsi quant à la plainte sub a:

Considérant que les Hautes Parties sont d'accord sur les faits qui se sont passés en août 1884 à Saint Vincent, excepté en ce que le Gouvernement de Portugal ne reconnaît pas que les autorités de Saint Vincent aient empêché l'Adria de purger la quarantaine de rigeur, qui lui avait été imposée; Considérant sur ce point, que le capitaine de l'Adria faisait escale à Saint Vincent à la seule fin de débarquer 15 passagers et leurs bagages et marchandises, parmi lesquels était M. A. Lavarello avec les 37 colis de marchandises, chargées par lui à cette destination; que d'après le journal de bord du 30 et 31 août 1884 (pièce justificatire, no 33) le pyroscaphe fur déclaré en quarantaine et on ne lui permit de débarquer ni voyageurs ni marchandises pour le lazaret, pas même de conduire ou faire conduire ces voyageurs à Porto Praia, dans l'île de Santhiago, ce qui avait été demandé expressément, mais ce qui fut refusé; que n'ayant pas moyen de faire autrement, l'Adria partit le 31 août après midi pour Montevideo, ayant auparavant chargé 177 tonnes de charbon;

Considérant que cette relation du journal de bord se trouve conformée en tous points par une lettre du capitaine Caffarena datée du 30 août 1884 au consul d'Italie à Saint Vincent (pièce no 34) et par la réponse, datée du même jour, de Mr. J. V. Miller, vice-consul d'Allemagne, faisant fonctious de consul d'Italie, dans laquelle il rend compte des démarches tentées en

vain auprès du gouverneur général des îles de Cap Vert et auprès du délégué du service sanitaire pour obtenir le débarquement en quarantaine à Porto Praia (pièce no 35); qu'elle est encore confirmée par une requête envoyée le même jour par Henri Lubrano, passager à bord de l'Adria, venant de Gênes, à mr. le délégué de la junte de santé à Saint Vincent, à l'effet de n'être pas forcé de faire le voyage avec sa famille à l'Amerique du Sud, notammant au Brésil, où la fièvre jaune existait (pièce no 37); et par une protestation signée par neuf sujets italiens, résidant à Saint Vincent, dont les signatures ont été légalisées par Mr. C. Martins, agent consulaire d'Italie à Saint Vincent, le 6 septembre 1884, se plaignant de ce que leurs compatriotes, les voyageurs à bord de l'Adria, s'étaient vu refuser la permission de débarquer avec leurs bagages et marchandises, quoique le navire eût une patente nette et que l'existence du choléra en Italie ne fût pas constatée, tandis que le même jour les mêmes autorités à Saint Vincent avaient donné la permission à plusieurs voyageurs, arrivés à bord du vapeur Elbe venant d'Angleterre, de débarquer avec leurs bagages dans une golette louée à cet effet pour les conduire à Porto Praia, et ce quoique les ports Angleterre fussent officellement déclarés infectés de choléra (pièce no 36); et enfin par une protestation datée du 30 août 1884, signée par Lavarello lui-même, Michel et Henri Lubrano et L. Germanetti, tous passagers à bord de l'Adria, adressée au consulat italien à Saint Vincent et légalisée comme ci-dessus, contenant plainte de ce qu'en dépit des lois et traités existants, on leur refusait de purger leur quarantaine et qu'ils allaient être forcés, à leur grand dommage pécuniare, à faire un voyage à l'Amerique du Sud et à ramporter leurs marchandises (piéce no 38);

Considérant que Lavarello a produit un connaissement daté à Gênes le 18 août 1884 et signé R. Piaggio & Fils, portant que lui Lavarello avait chargé sur l'Adria avec destination à Saint Vincent, 37 colis de marchandises, savoir: 2 caises marbre ouvré, 1 caisse bouchons, 1 caisse biscuits, 6 colis chemises de coton, 1 beurre, 1 fût de vin, 4 colis sucre, 20 comestibles divers, et 1 cuisine en fer (pièces no 18); qu'il a encore prouvé par les comptes acquittés de fournisseurs à Gênes et autres lieux et par une déclaration des propriétaires de l'Adria R. Piaggio & Fils (pièces nos 2 à 17 et 19), qu'il avait acheté et payé les dites marchandises pour des sommes, se montant à 15:072,81 lires, et payé pour son voyage de Gênes à Saint Vincent, 250 lires; pour fret, idem, 369,75 lires; pour passage et fret de Saint Vincent à Montevideo et retour, 1,000 lires; ensemble, 16:719,56 lires.

Considérant que les dites marchandises ont été déchargées le 16 ou 17 octobre 1884 dans le schooner portugais Maria, transportées à Porto Praia, et de retour à Saint Vincent, emmagasinées en douane le 27 et dédouanées le 28 du même mois avec déclaration de valeur totale de 207$190 réis (équivalent à lires 1:151,624) suivant la déclaration spécifiée du directeur de la douane J. H. D. Ferreira, datée à Saint Vincent le 22 fevrier 1886 à son chef, le secrétaire général du gouvernement à Praia (Mémoire pour le Gouvernement portugais, documents, p. 112 à 115).

Considérant que le compte de vente de ces marchandises manque; mais

que:

1o Le directeur de la douane, d'après la déclaration citée, s'est contenté d'une évaluation à une valeur vénale de beaucoup inférieure au prix coûtant et certifié que du moins 10 colis (de fruits) étaient gâtés; 2o que suivant les déclarations faites par cinq sujets italiens résident à Saint

Vincent, par devant l'agent consulaire d'Italie, à diverses dates en 1885, les comestibles apportés par Lavarello en août 1884, sont arrivés en mauvais état en octobre de la même année et que les autres marchandises ne pouvaient plus rapporter que 50 pour cent de moins qu'elles n'auraient pu valoir en août; notamment le négociant, C. B. Figari, a déclaré que quelques-unes de ces marchandises avaient été apportées de Gènes en commission pour lui Figari, et qu'en août il les aurait prises pour lires 10:000, mais que, deux mois plus tard, elles avaient 50 pour cent moins de valeur; Considérant que de tout ce qui précède il résulte que les autorités de Saint Vincent ont causé des dommages et préjudices à M. A. Lavarello par leurs actes en août 1884, et qu'ainsi, la première question du compromis doit être résolue affirmativement;

Considérant quant à la deuxième et la troisième question du compromis: que les traités existant entre les Hautes Parties ne contiennent aucune stipulation spéciale à l'égard des mesures sanitaires en cas d'épidémie; que par conséquent les sujets et les navires d'une nation amie doivent se soumettre à la loi locale des ports et autres lieux, ou ils se trouvent en pays ami, et qu'en revanche ils ont le droit d'être traités impartialement et à l'égal d'autres étrangers on nationaux; que le traité de commerce entre l'Italie et le Portugal du 15 juillet 1872 garantit en général la liberté de commerce et de navigation aux sujets italiens sur le territoire portugais (article 1er) et bien que selon l'article 26° tous les autres articles du traité sont applicables seulement dans la métropole et les îles adjacentes, cependant ce même article garantit dans les colonies portugais aux navires italiens le traitement de la nation la plus favorisée; et conséquemment ce traité est incompatible avec des mesures qui entraveraient exceptionnelement ou arbitrairement la liberté de commerce de navires et voyageurs italiens dans ces colonies;

Considérant que le règlement du service de santé maritime du 12 novembre 1874, qui en 1884 était en vigueur aux iles de Cap Vert, prescrit dans l'article 94 que les navires provenant de ports non infectés avec patentes nettes, seront admis en libre pratique, mais que le § 2 du même article admet une exception pour le cas où l'inspecteur en chef apprendra officiellement ou d'autre source authentique, que (entre autres) dans les ports de départ il s'est manifesté des cas de choléra morbus dans l'un des cinq jours qui auront suivi le départ de la même embarcation; dans ce cas la quarantaine devra être appliquée conformément aux autres articles du réglement; Considérant qu'au mois d'août 1884 la circonstance prévue par le § 2 s'est réalisée en effet à l'égard du port de Gênes; qu'ainsi les autorités civiles et sanitaires de Saint Vincent ont légalement refusé la libre pratique à l'Adria et aux voyageurs à bord de ce navire; mais qu'en leur refusant l'occasion et en les mettant par conséquent dans l'impossibilité de se soumettre à la quarantaine, méme de se rendre au lazaret de Porto Praia, ces autorités de Saint Vincent ont outrepassé les bornes de leur pouvoir légal; qu'elles se sont notamment écartées des articles 87 et 99 du règlement cité ci-dessus; qu'il est vrai qu'un arrêté du 26 juillet 1884, émané du ministère de l'interieur à Lisbonne, autorisa des mesures plus sévères pendant l'épidémie du choléra, qui sévissait alors, notamment la défense de débarquer des personnes ou de décharger des marchandises, appliquée aux navires, provenant des ports infectés, mais que cet arrêté, d'après sa te

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