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En ce qui concerne la protestation du vice-consul de Toscane à Toulon,

Considérant qu'aux termes des règlements, et notamment de la décision souveraine du 10 juin 1781, les interrogatoires des équipages capturés doivent être secrets et que dès lors l'intervention des agents consulaires étrangers dans l'instruction des prises doit être renfermée dans le cercle des démarches purement officieuses, autorisées par l'art. 9 du décret du 18 juillet 1854; Qu'ainsi, il n'y a pas lieu de s'arrêter à ladite protestation;

Sur le moyen présenté par le sieur Adami, et tiré de ce que la navigation dudit navire aurait dû se trouver protégée par l'art. 15 du traité de commerce et de navigation entre la France et la Toscane du 15 février 1853,

Considérant que ledit traité, conclu ,,en vue de faciliter et d'étendre les relations commerciales entre les deux pays", n'a point pour objet, par son art. 15, de régler les conditions de navigation entre les deux pays en temps de guerre, et qu'il ne fait point obstacle à l'application des principes résultant du droit de la guerre tels qu'ils sont consacrés par les règlements existants, et notamment par celui du 26 juillet 1778, relatif à ‍la navigation des neutres.

Au fond, En ce qui touche le navire, Considérant qu'il résulte de l'instruction que le navire capturé est d'origine russe; que par acte sous seing privé du 26 janvier 1854, postérieur au commencement des hostilités entre la Porte et la Russie, et dont il n'est représenté qu'une copie, ledit navire aurait été vendu à un sieur Adami, banquier toscan, établi à Livourne et en relations habituelles avec la Russie, lequel ne figure dans l'acte ni par lui-même, ni par un fondé de pouvoir; que le 30 avril, postérieurement à la déclaration de guerre du 27 mars 1854, ce navire a été expédié d'Odessa, port ennemi, à destination d'un des ports de la Manche; que, sous le commandement apparent d'un sieur Rocco Catalani, sujet toscan, patron au petit cabotage, ne sachant ni lire ni écrire, l'ancien capitaine, représentant les intérêts des armateurs russes, avec tout son équipage originaire, et resté à bord du navire, en a dirigé la navigation et les opérations, et a même signé le connaissement;

Considérant que le navire portait illégalement le pavillon toscan, en vertu d'un passavant délivré par le consul général de Toscane à Odessa, contrairement à l'art. 8 du règlement du 14 avril 1826, qui interdit aux consuls de délivrer aucun passe-port pour arborer le pavillon toscan;

Considérant qu'en relâchant à Livourne, le Capitaine ne s'est pas pas même consigné au

sieur Adami, son prétendu armateur, mais qu'il s'est consigné à ordre;

Considérant que cette relâche à Livourne n'a eu pour but que de changer l'équipage et de se munir de nouveaux papiers de bord, contrairement au principe généralement établi qui ne permet à aucun navire, en temps de guerre, de changer de propriété, de nationalité et de papiers de bord, en cours de voyage;

Considérant que le connaissement trouvé à bord lors de la capture est une pièce informe qui, par sa date et ses énonciations inexactes, ne se rapporte pas au chargement, et que le véritable connaissement, dont deux exemplaires sont représentés par les consignataires, avec la signature de l'ancien capitaine, aussi bien que la charte-partie à laquelle se réfère ledit connaissement, ont été évidemment supprimés ou distraits;

Que dès lors il résulte de l'ensemble de ces faits que l'acte de vente du 26 janvier 1854 n'a eu pour objet que de dissimuler la nationalité du navire capturé, et qu'en admettant même l'authenticité de cet acte, en la forme, ledit navire devrait encore être déclaré de bonne prise, conformément aux dispositions des articles 3 et 9 du règlement du 26 juillet 1778:

En ce qui touche le chargement,

Considérant qu'aux termes du § 5 de la déclaration du 29 mars 1854, l'Empereur déclare ne pas revendiquer le droit de confisquer la propriété des neutres, autre que la contrebande de guerre, trouvée à bord des bâtiments ennemis;

Considérant que par les pièces, notamment par le certificat du consul des Pays-Bas à Odessa, le connaissement, la facture et les lettres de change acquittées, les sieurs Haerten et Comp., négociants hollandais établis à Amsterdam, justifient de leur droit de propriété sur le chargement; Que dès lors il y a lieu de leur appliquer le bénéfice de la disposition précitée; En ce qui touche le fret,

Considérant que, par analogie avec le principe de l'art. 303 du Code de commerce, relatif au fret des marchandises prises et rachetées, il est équitable de faire payer le fret des marchandises restituées, à raison de l'avancement du voyage, mais, en tenant compte aux consignataires des sommes payées à titre d'avance dans la mesure des usages de la place d'Odessa, et que, d'après ces bases et les pièces, il y a lieu d'évaluer le fret acquis à 23,060 fr. 80 cent.

En ce qui touche les frais,

Considérant qu'il est juste de laisser au compte de propriétaires du chargement les frais y relatifs;

En ce qui touche les effets réclamés par le capitaine Tesi, comme étant sa propriété personnelle, Considérant qu'il est conforme à l'usage et à l'équité de restituer au capitaine capturé les effects formant à bord sa proprieté personnelle;

DÉCIDE: La prise du navire l'Orio, ci-devant l'Orione, est déclarée valable.

Le chargement sera restitué aux sieurs Haerten et Comp., d'Amsterdam, à la charge par eux 1o de verser en la caisse des Invalides de la marine la somme de 23,060 fr. 80 c., à laquelle le fret demeure liquidé; 2o de payer immédiatement ou de fournir caution suffisante pour le payement ultérieur des frais, dont l'état sera dressé par le secrétaire du Conseil et arrêté par le rapporteur.

Les effects formant à bord la propriété personnelle du capitaine Egisto Tesi lui seront restitués.

(W.)

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Le CONSEIL, Considérant que la goëlette la Dwina a été capturée le 12 septembre 1854, naviguant sous pavillon russe, et sous le commandement du capitaine russe, Ivan Dourakine, par 66° 36' de latitude nord, et 38° 40' de longitude est, par le brick de l'Etat le Beaumanoir, appartenant à la division française employée dans la mer Blanche;

Considérant que d'après les papiers de bord et d'après l'aveu même du capitaine, la propriété et la nationalité ennemies du navire capturé sont constantes;

Considérant qu'il résulte également des pièces de bord et de l'aveu du capitaine qu'après avoir transporté à Tromsoë un chargement de farines prises à Arkhangel, la Dwina a reçu en échange un assortiment de pelleteries, pour compte de divers négociants, et que ce chargement, débarqué clandestinement sur la côte, a été transporté par des bateaux pêcheurs à Arkhangel, nonobstant le blocus de ce port; Considérant que la Dwina ne se trouve dans aucun des cas exceptionnels, prévus par les déclarations impériales des 27 mars et 15 avril dernier, et que ni à raison de son tonnage et de son affectation au long cours, ni à raison de la qualité de négociant qui appartient à son capitaine et propriétaire, ni à raison du commerce de spéculation et de transport dans lequel il était engagé, le navire ne saurait être admis à participer aux exemptions accordées par les gouvernements alliés dans un interêt d'humanité aux bateaux qui servent à l'échange des vivres et du poisson frais entre les paysans de la côte d'Arkhangel et ceux de Finnmarken;

Considérant d'ailleurs que le débarquement clandestin de sa cargaison de retour, à Mézen, débarquement dont le capitaine a fait l'aveu, constitue une violation manifeste du blocus mis devant les ports de la mer Blanche, et suffirait pour entraîner la condamnation du bâtiment;

il y a lieu d'appliquer l'art. 51 de l'arrêté du 2 prairial an XI;

Qu'ainsi

En ce qui touche les effets qui pourraient appartenir au capitaine Dourakine,
Considérant qu'il est conforme à l'usage et à l'équité de restituer au capitaine capturé les

effets trouvés à bord qui sont destinés à son usage personnel;

DÉCIDE: La prise du navire la Dwina est déclarée valable;

Ordonne que remise

sera faite au capitaine Dourakine des effets trouvés à bord qui sont destinés à son usage personnel.

(X.)

LE CHRISTIANE.

· 25 novembre 1854.

Est de bonne prise le navire d'origine ennemie dont le chargement de propriété, prétendu antérieur à la guerre, n'est pas prouvé par actes authentiques. Le fret acquis fait

partie de l'armement et doit être confisqué quand le navire est de bonne prise.

Le CONSEIL, Considérant, en fait qu'il résulte des pièces que le navire le Christiane, saisi à Saint-Valery-sur-Somme, le 30 septembre 1854, sous pavillon danois et le commandement du sieur Wilken, a été construit en Russie, a appartenu à des sujets russes, et portait encore le pavillon russe, sous le nom de Weljet, dans le port de Copenhague, le 9 mars dernier; que ce bâtiment, ayant pris le nom Christiane et le pavillon danois, est parti de Copenhague le 14 mars à destination de Memel, où il a pris un chargement de produits russes pour Anvers; que le 26 avril il était à Elseneur, où le capitaine a pris, de son expéditeur, une lettre de crédit sur divers négociants; que les 27 et 28 du même mois il était à Copenhague, où il a renouvelé une partie de son équipage; qu'aprés avoir déposé sa cargaison à Anvers il est parti de ce dernier port affrété pour aller chercher à Arkhangel, où il était en juillet dernier, et d'où il a rapporté à Saint-Valerysur-Somme un chargement de lin, à la consignation de la maison Cosserat et fils, d'Amiens;

Considérant qu'il résulte également des pièces que la vente de ce bâtiment à des sujets neutres n'a eu pour objet que de le mettre à l'abri des hostilités alors imminentes, et qu'il n'en est justifié que par un acte de cession signé par l'ancien capitaine russe, le sieur Dalhberg, le 14 mars dernier, tant en son nom qu'au nom de son armateur et copropriétaire, le sieur Dalh;

-

Considérant que la procuration trouvée à bord en copie, est datée du 24 mars suivant, c'est-à-dire postérieure de dix jours à cet acte de cession; En droit, Considérant que tout transfert de bâtiment ennemi, à une époque rapprochée du commencement des hostilités, doit être présumé frauduleux et destiné uniquement à soustraire le bâtiment à l'application des lois de la guerre; qu'ainsi, suivant l'art. 7 du règlement du 26 juillet 1778, c'est aux neutres qui en réclament la propriété à prouver, par des pièces authentiques, que la vente a eu lieu avant la guerre dans le cours ordinaire et loyal du commerce; que ces preuves doivent se trouver à bord, et que si la règle posée par l'art. 11 de l'édit de 1778, d'après laquelle les pièces rapportées après coup ne peuvent être d'aucune utilité, admet, aux termes de la déclaration du 13 novembre 1779, des exceptions fondées sur des considérations d'équité, il n'en saurait être ainsi lorsque ces pièces ont pour objet direct de contredire celles qui existaient à bord;

Considérant qu'il résulte du certificat de construction trouvé à bord, que le sieur Dalh était le seul propriétaire du Weljet, et que le certificat de propriété rapporté postérieurement à la saisie ne peut être admis en contradiction avec ce témoignage;

Que le pouvoir authentique du sieur Dalh, dont copie certifiée a été trouvée à bord, est, daté de Christianstadt, le 24 mars 1854, et qu'il n'a pu servir de base à un acte de vente antérieur à la guerre déclarée le 27 du même mois, puisqu'il constate que dès avant le 23 mars le capitaine Dalhberg, qui devait en faire usage, avait quitté Copenhague;

Que le premier pouvoir sous seing privé, donné par le sieur Dalh au sieur Dalhberg, le 24 octobre 1853, était nul aux termes de la législation russe, du moment que la signature dudit

sieur Dalh n'avait pas été visée et affirmée par l'autorité collégiale du lieu dans lequel ce pouvoir a été delivré; que dès lors il ne pouvait servir valablement pour légitimer la cession du Weljet à des tiers par le capitaine Dalhberg, ce que le consul général de Russie à Copenhague, ainsi que les acquéreurs prétendus du Weljet ont eux-mêmes évidemment reconnu, en exigeant une garantie pour la représentation d'un pouvoir régulier affirmé devant le magistrat;

Qu'au surplus, et dans tous les cas, ce pouvoir quand bien même il se serait trouvé à bord, ne saurait avoir aucune valeur, d'après les règlements français; qu'en effet, si l'art 7 du règlement de 1778 ne fait pas une mention expresse de l'authenticité des pouvoirs des vendeurs, elle la suppose impliciment en exigeant, pour preuve de la vente, des pièces authentiques; qu'il suffit au surplus pour reconnaître la fixité des principes français sur ce point, de se reporter aux anciens règlements et traités de la France, et notamment au règlement du 24 octobre 1744, ainsi qu'aux traités du 1er avril 1769 et du 17 mars 1789, entre la France et la ville de Hambourg;

Considérant que l'attestation, relative à la régularité de la vente apposée sur l'acte du 14 mars par le consul général de Russie à Copenhague, se trouve contredite 1o par le fait même de la garantie réclamée par cet agent pour l'apport d'une procuration régulière; 2o par la déclaration de cet agent lui-même, en date du 1er novembre dernier, que le pouvoir donné par le sieur Dalh pour vendre son navire portait la date du 24 mars 1854, que dès lors cette attestation ne peut être envisagée que comme un moyen employé pour masquer une propriété ennemie;

Considérant que le certificat apposé sur le même acte par le vice-consul d'Angleterre à Copenhague, à la date du 28 avril dernier, se rapporte à la légitimité de la vente, exclusivement envisagée au point de vue de la jurisprudence anglaise, différente de la législation française sur la vente des bâtiments ennemis en temps de guerre; que d'ailleurs cet agent n'avait aucune qualité pour délivrer un tel certificat; que son opinion, fondée sur de simples déclarations et des renseignements incomplets et inexacts, ne saurait être prise en considération;

Qu'ainsi l'acte de cession du Weljet, en date du 14 mars dernier, doit être considéré comme frauduleux et nul;

Considérant, au surplus, que 1° la présence à bord du nouveau capitaine, le 10 mars, avant l'accomplissement de l'acte de vente; 2o la dissimulation de l'origine russe du bâtiment sur le certificat de jauge délivré à Memel; 3° la désignation des prétendus armateurs du Christiane, au nombre des négociants auxquels le capitaine de ce navire était autorisé, dans le lieu même de leur résidence, à demander des fonds en cas de besoin; les explications fournies à cet égard étant contradictoires et se détruisant entre elles; 4° l'emploi constant du Weljet, depuis sa prétendue vente, au commerce direct ou indirect avec l'ennemi; 5o enfin, les contradictions qu'offrent les pièces trouvées à bord avec celles produites postérieurement, relativement au mode de payement allégué, ainsi qu'à l'époque à laquelle il aurait été effectué, sans qu'en somme il soit justifié que ce payement a eu lieu, sont autant de circonstances propres à éveiller les soupçons les plus graves sur la sincérité de la vente alléguée;

Considérant enfin que le Christiane, se trouvait à Anvers, c'est-à-dire dans un port belge, à l'époque à laquelle son passe-port latin, délivré au nom de S. M. le roi de Danemark lui a été remis; que ledit passe-port doit dès lors être réputé nul, conformément aux dispositions de l'art. 4 du règlement de 1778;

Qu'ainsi c'est le cas d'appliquer les art. 4, 7 et 11 du règlement du 26 juillet 1778, et les art. 51 et 53 de l'arrêté du 2 prairial an XI, et de déclarer le Christiane de bonne prise. En ce qui touche le fret,

Considérant que le fret acquis, étant la propriété de l'armement, doit suivre le sort du navire;
En ce qui touche les effects qui pourraient appartenir au capitaine Wilken,

Considérant qu'il est conforme à l'équité autant qu'à l'usage de restituer au capitaine capturé les effets trouvés à bord qui sont à son usage personnel;

En ce qui touche les hommes de l'équipage,

Considérant que les dispositions relatives aux équipages des bâtiments capturés ne sont pas de la compétence du Conseil, mais concernent exlusivement le ministre de la marine;

DÉCIDE: La prise du navire le Christiane, ci-devant le Weljet, et déclarée valable, et le bâtiment est déclaré de bonne prise;

Ordonne qu'en conséquence le corps du navire, ses agrès, apparaux et accessoires seront immédiatement vendus, conformément aux règlements, pour le produit net en être versé dans la caisse du domaine de l'Etat sauf le tiers attribué par les règlements à la caisse des Invalides de la marine;

Déclare bonne et valable l'opposition formée entre les mains des sieurs Cosserat et fils, négociants à Amiens, au payement du fret dû par eux au capitaine du Christiane sur le chargement du lin apporté d'Arkhangel à Saint-Valery-sur-Somme pour leur compte;

Ordonne que le montant du fret, suivant la liquidation qui en sera faite par l'administration de la marine audit port de Saint-Valery-sur-Somme, sera versé à la caisse des Invalides de la marine, pour recevoir la même affectation que le produit du navire;

Ordonne que remise sera faite au capitaine Wilken des effets trouvés à bord qui sont destinés à son usage personnel;

Renvoie le capitaine à se pourvoir devant le ministre de la marine, pour obtenir, s'il y a lieu, sa mise en liberté et celle de son équipage.

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Cette décision n'est que la consécration nouvelle d'une jurisprudence constante en matière de prises maritimes. Parmi les décisions antérieures sur ce point, nous citerons: conseil d'Etat, 18 août 1807; conseil d'Etat, 24 avril 1808; conseil des prises, 17 floréal an 9; conseil des prises, vendémiaire an 9; cour d'amirauté d'Angleterre, 13 octobre 1854; id., 18 octobre 1854. On trouvera toutes ces décisions dans le Traité des prises maritimes que viennent de publier MM. de Pistoye et Ch. Duverdy.

Voici du reste l'espèce dans laquelle vient d'être rendue cette décision:

Aussi le

Le navire l'Alexandre ler,d'origine russe, fut capturé sous pavillon ionien, le 22 septembre 1854, par le Solon, de la marine impériale. Il fut réclamé par des citoyens ioniens qui prétendaient l'avoir acquis en juillet 1853, avant la guerre. Mais l'acte de vente n'était pas à bord. conseil à-t-il déclaré le navire de bonne prise, par la décision suivante, rendue au rapport de M. Devoize, membre, du conseil, et sur les conclusions de M. L. de Clercq, commissaire du Gouver

nement.

-

LE CONSEIL. Considérant que des pièces et de l'instruction il résulte, en fait, que le navire l'Alexandre ler, naviguant sous pavillon ionien et sous le commandement apparent du sieur Panaï Rossolino, a été capturé, le 22 septembre 1854, par l'aviso à vapeur de la marine impériale le Solon, par 37° 29′ latitude nord et 22° 50′ longitude est du méridien de Paris, en dehors des eaux territoriales de la Grèce, et que ce bâtiment était alors sur lest et se dirigeait de Syra sur Constantinople;

Que ledit navire, construit en 1846 et alors armé pour le compte du sieur Alexandre Mavro, négociant russe à Odessa, a navigué depuis cette époque sous pavillon russe et sous le commandement des sieurs Christophe et Paul Dabcewich, l'un en qualité de capitaine, l'autre en qualité de second; Que ce n'est qu'au mois de juillet 1853, après la rupture des relations diplomatiques entre la Russie et la Porte, et l'envahissement des provinces danubiennes par les armées russes, que ce navire alors à Odessa, a pris à la place de son pavillon russe le pavillon ionien, par suite d'une vente dont il avait été l'objet, le 15/3 de ce mois, de la part du sieur Mavro neveu, son proprietaire, en faveur du sieur Elie Panaï, se prétendant né a Céphalonie, mais, en fait, négociant établi à Livourne, où il est le gérant et associé de la maison Alexandre Mavro et compagnie;

Que, depuis lors, l'Alexandre 1er a navigué, sans discontinuer, sous ledit pavillon ionien, étant commandé nommalement par le sieur Panaï Rossolino, sujet ionien, mais en réalite et de l'aveu de l'équipage par les sieurs Christophe et Paul Dabcewich, demeurés a bord, l'un en qualité prétendue de directeur, l'autre en qualité de second et d'écrivain;

Que ce bâtiment n'a pas cessé non plus d'être employé au commerce du port ennemie auquel il appartenait, puisque après avoir été expédié avec un premier chargement de grains d'Odessa pour Toulon et Marseille, il est retourné à Odessa au mois de mars 1854, et y a pris un nouveau chargement pareil pour Livourne;

Qu'il n'a été trouvé à bord ni acte de vente, ni aucun autre acte de propriété; que le certificat de nationalité attribue faussement au sieur Elie Panaï un domicile dans les îles Ioniennes; que la soumission cautionnée qui doit en précéder la délivrance, au lieu d'être signée par l'armateur prétendu, l'a été par un homonyme sans intérêt dans l'armement; et qu'enfin des deux rôles d'équipage trouvés à bord, l'un était périmé et l'autre n'indique ni la nationalité, ni la solde, ni la qualité d'aucun des hommes qui y figurent;

Considérant, en droit, qu'aux termes de l'article 7 du règlement du 26 juillet 1778, les bâtiments qui ont eu un propriétaire ennemi ne peuvent être réputés neutres s'il n'est trouvé à bord quelque pièce authentique passée devant un officier public qui justifie que la vente ou cession en a été faite à quelque sujet neutre avant le commencement des hostilités;

Considérant que d'après la législation ionienne même, le certificat de propriété est une des pièces de bord exigées pour la régularité de la navigation des bâtiments ioniens;

Considérant qu'il ne saurait être supplée à la représentation de ce document spécial par la mention générale contenue dans la formule imprimée du certificat de nationalité portant que la propriété du bâtiment a été dûment justifiée;

Considérant que l'acte de cession, en date du 15/3 juillet 1853, dont expédition a été produite par la défense, peut d'autant moins suppléer au défaut de l'acte qui eût dû se trouver à bord, que, quand même il serait régulier en la forme et admissible, nonobstant les dispositions formelles de l'article 11 du règlement ci-dessus visé, il ne couvre au fond qu'une vente simulée, puisque d'un côté la vente effectuée par le sieur Alexandre Mavro, neveu, a été consentie au profit du gérant d'une maison notoirement connue comme succursale ou tout au moims comme une correspondante habituelle de la sienne et ayant la même raison sociale; que, de l'autre, il n'apparaît pas que le sieur Jean-Baptiste Mavro, qui figure dans ledit acte comme représentant du sieur Elie Panai, de Livourne, fût porteur d'aucun pouvoir spécial ayant date certaine; et qu'enfin, il ne résulte pas de l'acte la preuve certaine de payement effectif de prix, le vendeur se bornant à déclarer que ce prix lui été antérieurement payé;

Considérant qu'à ces présomptions graves sur le caractère fictif de la vente de l'Alexandre ler, il se joint une circonstance plus grave encore, celle de la continuité de la présence à bord de l'ancien capitaine, le sieur Christophe Dabcewich, qui commandait le bâtiment, sous pavillon russe, ainsi que de celle de l'ancien second, le sieur Paul Dabcewich, lesquels, bien que nés sujets autrichiens, n'avaient pas cessé de représenter à bord les intérêts de l'armement primitif appartenant à la maison russe: Alexandre Mavro d'Odessa:

Considérant enfin que le rôle d'équipage, en date du 24 août dernier, est irrégulier, aussi bien que le certificat de nationalité et l'acte de soumission cautionnée susénoncés;

Considérant que, dans ces circonstances, le changement de pavillon dont l'Alexandre ler a été l'objet ne saurait être considéré que comme une fraude destinée à dissimuler sa nationalité ennemie :

Qu'ainsi il y a lieu de déclarer ce bâtiment de bonne prise par application des articles 7

et 9 du règlement du 26 juillet 1778 et 53 de l'arrêté du 2 prairial an 11;

Considérant néanmoins qu'il est conforme à l'équité et à l'usage de restituer au capitaine et aux hommes de l'équipage les effets personnels qui leur appartiennent à bord, si fait n'a déjà été; DÉCIDE: la prise du navire l'Alexandre ler est déclarée valable

Ordonne la remise au capitaine et aux hommes de l'équipage du navire capturé des effects personnels qui leur appartiennent à bord, si fait n'a été.

(Z-)

VROW HOUWINA.

24 mars 1855.

Transports des objects de contrebande de guerre.

LE CONSEIL: Considérant que des pièces et de l'instruction il résulte que le navire la VrowHouwina, commandé par le capitaine B. Roostee a été arrêté sous pavillon Hanovrien le 28 Novembre dernier à huit milles en mer, à l'Ouest du Cap Roca par l'aviso à vapeur de la marine Impériale le Phénix comme soupçonné de transporter du salpêtre à destination de l'ennemi,

En la forme,

Considérant que cette arrestation donne lieu à trois chefs de demande: l'un à fin de relaxation du bâtiment, le second à fin de restitution des marchandises faisant partie de son chargement qui ne sont pas susceptibles d'être considérées comme contrebande de guerre, et la troisième à fin de restitution du salpêtre qui a motivé la saisie;

Que les deux premiers chefs de demande ont une connexité évidente et peuvent être immédiatement décidés par le Conseil d'après les éléments fournis par l'instruction; qu'ainsi l'intéret des parties exige que ces chefs de demande soient disjoints de celui qui se rapporte au salpêtre et dont l'instruction n'est pas encore complète; mais qu'il importe en même temps et dans l'intéret de la justice d'accélerer cette instruction en assignant aux intéressés pour produire leurs moyens de défense un délai après lequel il sera passé outre au jugement.

Au fond,

Considérant que des pièces et de l'instruction, il résulte que le navire la Vrow-Houwina est neutre; que les papiers de bord relatifs au navire ainsi qu'aux marchandises autres que le salpêtre composant son chargement, sont réguliers; que le salpêtre trouvé à bord ne formait pas les trois quarts du chargement total; qu'ainsi, alors même qu'il serait décidé en définitive que ce salpêtre constitue dans l'espèce un objet de contrebande de guerre susceptible de confiscation, il n'y en aurait pas moins lieu, aux termes de l'art. I. du règlement du 26 Juillet 1778 susvisé, d'ordonner la restitution du navire, et du surplus du chargement composé de marchandises d'une nature licite; que dès lors, il n'y a aucun motif pour ne pas prononcer cette restitution immédiatement;

Quant aux frais de l'instruction,

Considérant qu'aucune allégation n'a été produite contre la bonne foi des chargeurs au profit desquels il y a lieu d'ordonner cette restitution, et qu'il serait dès lors contraire à l'équité de mettre à leur charge aucune partie des frais qui sont résultés de l'arrestation du navire, mais qu'à l'égard du capitaine et des proprietaires du navire, il convient, à raison de la connexité des questions de réserver celle de savoir si tout ou partie de ces frais doit leur incomber, jusqu'à ce que le Conseil soit en mesure d'apprécier la réclamation des chargeurs ou propriétaires du salpêtre, et que dès lors il y a lieu de réclamer du capitaine en autorisant la relaxation de son bâtiment une caution ou un cautionnement en numéraire suffisant pour répondre des condamnations qui pourraient à cet égard être prononcées contre lui; Disjoint la cause des propriétaires du navire et celle des chargeurs des marchandises non susceptibles d'être considérées comme contrebande de guerre, de celle des chargeurs ou réclamateurs du salpêtre saisi à bord, Décide qu'un délai de quinze jours à partir de ce jourd'hui est accordé aux réclamateurs dudit salpêtre pour produire leurs moyens de défense, passé lequel délai il sera passé outre au jugement; Et statuant au fond sur les deux causes au profit desquelles la disjonction vient d'être Donne main-levée de toutes les marchandises autres que le salpêtre, chargées à bord de la Vrow-Houwina;

prononcée,

Ordonne que lesdites marchandises seront remises par l'administration de la marine à Alger, dans l'état où elles se trouveront, entre les mains des propriétaires ou de leurs mandataires, et à défaut de mandataires du capitaine, leur représentant légal;

Déclare valablement déchargées les cautions, et ordonne la restitution des cautionnements en numéraire qui ont pu être fournis par lesdits chargeurs en exécution de l'art. 81 de l'arrêté du 2 Prairial an XI.;

Donne main-levé du navire la Vrow-Houwina en l'état où il se trouve, et en ordonne la remise au capitaine moyennant une caution solvable ou le dépôt en numéraire dans la caise des Invalides de la Marine de la somme qui sera jugée suffisante par l'administration de la Marine à Alger pour payer éventuellement les frais de l'instruction; la question de l'imputation des frais demeurant réservée jusqu'à plus ample informé.

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