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SCÈNE V.

DOM JUAN, UN SPECTRE en femme voilée,
SGANARELLE'.

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Dom Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel; et s'il ne se repent ici, sa perte est résolue.

SGANARELLE.

Entendez-vous, Monsieur?

DOM JUAN.

Qui ose tenir ces paroles? Je crois connoître cette

voix.

SGANARELLE.

Ah! Monsieur, c'est un spectre je le reconnois au marcher.

DOM JUAN.

Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c'est. (Le Spectre change de figure, et représente le Temps avec sa faux à la main3.)

I. DOM JUAN, Un spectre, une femme voilée, sgANARELLE. (1683 A, 94 B.) - L'édition de 1734 n'a pas ici de coupe de scène; nous avons vu, à la page 200, note 5, qu'elle commence la scène v un peu plus haut.

2. Ce jeu de scène et celui qui est quelques lignes plus bas sont encore omis dans les éditions de 1683 A, 1694 B. Cette fantasmagorie a été fidèlement reproduite à la représentation du 15 janvier 1847, où l'on chercha une complète exactitude. M. Ch. Magnin, témoin de la reprise de 1847, disait dans l'article cité de la Revue des Deux Mondes (p. 567): : « Cette vision ne me paraît se lier à rien dans la pièce, à moins qu'elle ne soit l'annonce emblématique de la mort d'Elvire; mais alors à quoi bon le Temps avec sa faux ? » Ne peut-on répondre que, s'il y a lieu de s'étonner peut-être de trouver dans une pièce de Molière ces moyens, qu'il n'emploie guère, de frapper les yeux, ils sont ici fort explicables, que la Femme voilée rappelle Done Elvire (Dom Juan dit même : Je crois connoître cette voix), et que le Temps avec sa faux annonce la mort imminente de l'impénitent?

SGANARELLE.

O Ciel! voyez-vous, Monsieur1, ce changement de figure?

DOM JUAN.

Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit.

(Le Spectre s'envole dans le temps que Dom Juan le veut frapper2.)

SGANARElle.

Ah! Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir.

DOM JUAN.

Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suis-moi.

SCÈNE VI.

LA STATUE, DOM JUAN, SGANARELLE.

LA STATUE.

Arrêtez, Dom Juan: vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.

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3. Il ne sera pas dit que, quoi qu'il arrive, je sois capable. (1683 A, 94 B.) 4. LA STATUE DU COMMANDEUR. (1734.)

5. Entraine, a pour conséquence. Voyez le Dictionnaire de M. Littré,

mort funeste, et les grâces du Ciel1 ouvrent un chemin à sa foudre3.

DOM JUAN.

que l'on renvoie 2

O Ciel! que sens-je? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah!

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan; la terre s'ouvre et l'abîme; et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.)

SGANARELLE 5.

Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux, qui, après tant d'années de service, n'ai point d'autre récompense que de voir à mes yeux l'impiété de mon maître punie par le plus épouvantable châtiment du monde.

l'article TRAINER, 9°, mais en remarquant que, dans tous les exemples cités, trainer est accompagné des mots avec soi ou après soi.

1. Une mort funeste; les grâces du Ciel. (1694 B.)

2. Que l'on repousse. 3. A la foudre. (1683 A, 94 B.)

4. Les éditions de 1683 A, 1694 B s'arrêtent à devient et remplacent par des points les mots : << un brasier ardent. Ah! » Elles sautent tout le jeu de scène : « Le tonnerre, » etc., mettent en tête du dernier couplet de Sganarelle, avant Voilà: « Ah! mes gages! mes gages! puis remplacent encore ce qui suit malheureux (5° ligne de l'alinéa) par : << Mes gages, mes gages, mes gages!» Voyez la dernière note.

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6. On peut supposer que la fin de phrase rattachée à ce mot de malheureux, a été plutôt destinée à l'impression qu'à la scène. Le cri: Mes gages! qui, dans les deux éditions étrangères, commence et termine le dernier couplet de Sganarelle (voyez ci-dessus la note 4), ne se lit dans aucun des exemplaires, non cartonnés de l'édition originale que nous avons reproduite; mais il a été i mentionné et dans les Observations de Rochemont (ci-après, p. 227), et dans' l'une des deux réponses qui y furent faites (ci-après, p. 237). Voyez la Notice, p. 24, p. 30, et p. 37 et 38

FIN.

APPENDICE A DOM

DOM JUAN.

I

SCÈNES EXTRAITES DE LA COMÉDIE DES FRAGMENTS DE MOLIÈRE,

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Pargué, Pierrot, tu t'es donc trouvé là bien à point?

PIERROT.

Parguenne, il ne s'en est pas fallu l'époisseur d'une éplingue qu'ils ne se sayent nayés tous deux.

CHARLOTE.

C'est donc le coup de vent da matin qui les a renvarsés dans la mar.

PIERROT.

Aga, quien, Charlote, je m'en vas te conter tout fin droit comme cela est venu. Car, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. Enfin j'esquions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des motes de tarre, que je nous jequions à la teste; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par fouas je batifole itou; en batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai aperçu de tout loin queuque chose qui grouilloit dans liau, et qui venoit comme envars nous par secousse. Je voyois ça fixiblement, et pis tout d'un coup je voyois que je ne voyois plus rian. « Ah ! Lucas, ç'ai-je fait, je pense qua vlà des hommes qui nageant là-bas. Voire, ce m'a-t-il fait, t'as esté au trépassement d'un chat, t'as la vue trouble. - Pasanguenne, c'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont des hommes.- Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. — Veux-tu gager, c'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, ç'ai-je fait, et que ce sont deux hommes, ç'ai-je fait, qui nageant droit ici, ç'ai-je fait. — Mor

1. Voyez ci-dessus, p. 103, note 2.

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