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L'AMOUR MÉDECIN

COMÉDIE

REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS A VERSAILLES

PAR ORDRE DU ROI

LE 15 SEPTEMBRE1 1665

ET DONNÉE DEPUIS AU PUBLIC A PARIS

SUR LE THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL

LE 22° DU MÊME MOIS DE SEPTEMBRE 1665

PAR LA

TROUPE DU ROI

1. La date du 14 septembre est plus probable: voyez la Notice, ci-après, p. 264-266.

NOTICE.

VOICI de nouveau une de ces comédies-ballets que l'on demandait à Molière pour être représentées dans quelque divertissement royal, et où il n'avait d'autre prétention que d'amuser un moment le Roi et la cour. Il fallait les écrire à la hâte, ainsi que cela a été dit, dans les tomes précédents, à l'occasion des Fâcheux, du Mariage forcé et de la Princesse d'Élide. Cinq jours, comme nous le savons par l'Avis de Molière Au Lecteur1, lui suffirent pour composer l'Amour médecin et le faire apprendre aux comédiens. Les Fácheux lui en avaient demandé quinze 2, et, comme ils sont en vers, la rapidité n'avait pas été moins étonnante.

Grimarest, cherchant à nous expliquer cette rapidité, suppose que Molière avait toujours des sujets tout prêts : « Il en avoit, dit-il, un magasin d'ébauchés par la quantité de petites farces qu'il avoit hasardées dans les provinces.... Il s'est trouvé que des divertissements qu'on lui demandoit étoient faits plus d'un an auparavant3. » Rien ne serait plus difficile à justifier, même pour l'Amour médecin, qui a emprunté quelques traits au Médecin volant, mais évidemment n'a pas trouvé dans cette farce une première ébauche. Au lieu d'une provision d'impromptus dès longtemps faite, Molière avait dans l'esprit un trésor d'observations ou profondes ou piquantes, toujours à la disposition d'une prompte inspiration comique. La facilité de son travail lui en cachait le prix à luimême. Il lui semblait que son Amour médecin, « simple crayon, » disait-il, ne pouvait plaire que par « le jeu du théâtre. » Il

1. Voyez ci-après, p. 293 et 294. - -2. Voyez au tome III, p. 28. 3. La Vie de M. de Molière (1705), p. 47 et 48.

comptait aussi, pour le faire passer, sur les airs de Lully, sur les danses et les belles voix. L'art de l'auteur comique avait-il donc peu de chose à voir dans l'affaire?

Si Molière le pensait, c'était trop de modestie. Cette esquisse improvisée a des coups de pinceau qui sont de main de maître. La scène des donneurs d'avis, celle du père à la fois tendre et égoïste, qui, se croyant tout prêt à ne rien refuser à sa fille, devient le pire des sourds dès qu'elle souhaite ce qui le contrarie, celle surtout de la consultation des médecins, où l'ingénieuse satire porte aussi juste qu'elle frappe fort, sont dignes de la meilleure comédie, de celle qui connaît les hommes et les peint en traits qui ne s'oublient plus.

La date tout à fait précise de la première représentation de l'Amour médecin n'est peut-être pas aussi facile à fixer qu'il paraîtrait d'abord. Robinet, dans sa Lettre en vers à Madame, du 20 septembre 1665, écrite le samedi 19, se contente de dire : Dimanche, où le ciel tout exprès

Se para de tous ses attraits,

Notre cour courut à Versailles,
Pour Ꭹ rire et faire gogailles.

L'admirable et plaisant Molière

Illec, avec sa compagnie,
Fit admirer son gai génie.
Son jeu fut mêlé d'un ballet

Qui fut trouvé drôle et follet.

L'édition de la Grange (1682) donne la date du 15 septembre 1665. Le Journal des bienfaits du Roi est d'accord; on y lit2:

13, à Versailles.

17, à Paris.

15, le Roi fit jouer pour la première fois l'Amour médecin, comédie de Molière.

Mais le Registre de la Grange jette du doute sur la date indi

1. 13 septembre.

2. Tome Ier du manuscrit, f 120 vo. Septembre 1665.

quée par son édition : « La Troupe, y est-il dit, est partie pour Versailles le dimanche 13 septembre, est revenue le jeudi 17o. On a joué l'École des maris avec l'Impromptu, et l'Amour médecin trois fois, avec musique et ballet. » Est-il très-vraisemblable qu'on ait joué le 17, jour du retour? Il le faudrait cependant, si la première des trois représentations eut lieu le 15. La Gazette indique clairement la date du 14 dans les Nouvelles ordinaires du 19 septembre 16651. Elle parle ainsi des fêtes et de la comédie dans laquelle, soit dit en passant, elle ne trouve à louer que le ballet: « Le 13, Leursdites Majestés, avec lesquelles étoient Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Madame, Mademoiselle, Mlle d'Alençon3 et grand nombre de seigneurs et dames, allèrent au château de Versailles, où la cour a été régalée par le Roi durant quatre jours, avec une magnificence singulière. Le 14, Leurs Majestés et toute leur suite se rendirent sur des calèches dans le parc; et la . Reine, Madame, Mademoiselle, Mlle d'Alençon, avec les autres dames vêtues en amazones, étants montées sur des chevaux fort galamment ajustés, on y prit le divertissement de la chasse, qui fut suivi d'une comédie entremêlée d'entrées de ballet, qui, pour n'avoir été concerté que peu de jours auparavant, ne laissa pas d'être trouvé fort agréable. Le 16, la Reine, avec laquelle étoit Mademoiselle, vint voir la Reine mère, ainsi que Monsieur; puis ils retournèrent à Versailles, où l'on continua les mêmes divertissements; et, le 17, la cour revint au Louvre. » On dira sans doute que, la Gazette faisant durer les fêtes quatre jours, on ne voit pas, si le compte est bon, pourquoi les fêtes, continuées le jour même du départ, embarrasseraient beaucoup plus que commencées le jour de l'arrivée. Mais, outre que la difficulté n'est pas la même pour la soirée, c'est fort expressément à la date du 14 que la Ga

1. Page 924.

2. Elle n'avait pas autrement jugé les Fácheux. Voyez la Notice de M. Despois sur cette pièce, tome III, p. 5.

3. Sœur consanguine de Mademoiselle, duchesse de Guise en 1667.

4. Les participes concerté et trouvé sont ainsi au masculin, comme se rapportant à ballet

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