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fautes; on en commet pendant tout le cours de sa

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vie; et tout ce que l'on peut faire à force de faillir, c'est de mourir corrigé.

Il n'y a rien qui rafraîchisse le sang comme d'avoir su éviter de faire une sottise.

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Le récit de ses fautes est pénible: on veut les couvrir et en charger quelque autre; c'est ce qui donne le pas au directeur sur le confesseur.

Les fautes des sots sont quelquefois si lourdes, et si difficiles à prévoir, qu'elles mettent les sages en défaut, et ne sont utiles qu'à ceux qui les font.

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L'esprit de parti abaisse les plus grands hommes jusqu'aux petitesses du peuple.

Nous faisons par vanité ou par bienséance les mêmes choses et avec les mêmes dehors que nous les ferions par inclination ou par devoir (1). Tel vient de mourir à Paris de la fièvre qu'il a gagnée à veiller sa femme, qu'il n'aimait point.

Les hommes dans leur cœur veulent être estimés, et ils cachent avec soin l'envie qu'ils ont d'être estimés, parceque les hommes veulent, passer pour vertueux, et que vouloir tirer de la vertu tout autre avantage que

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la

vertu même, je

(1) Le prince de Conti, qui gagna la petite vérole auprès de la princesse sa femme, qu'il n'aimait pas é -il en mourut, et sa femme en guérit.

veux dire l'estime et les louanges, ce ne serait plus être vertueux, mais aimer l'estime et les louanges, ou être vain : les hommes sont trèsvains, et ils ne haïssent rien tant que de passer pour tels.

Un homme vain trouve son compte à dire du bien ou du mal de soi; un homme modeste ne parle point de soi.

On ne voit point mieux le ridicule de la vanité, et combien elle est un vice honteux, qu'en ce qu'elle n'ose se montrer, et qu'elle se cache souvent sous les apparences de son contraire.

La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité; elle fait que l'homme vain né paraît point tel, et se fait valoir au contraire par la vertu opposée au vice qui fait son caractère : c'est un mensonge. La fausse gloire est l'écueil de la vanité; elle nous conduit à vouloir être estimés par des choses qui, à la vérité, se trouvent en nous, mais qui sont frivoles et indignes qu'on les relève : c'est une erreur.

Les hommes parlent de manière, sur ce qui les regarde, qu'ils n'avouent d'eux- -mêmes que de petits défauts, et encore ceux qui supposent en leurs personnes de beaux talents' ou de grandes qualités. Ainsi, l'on se plaint de son peu de mémoire, content d'ailleurs de son grand sens et de son bon jugement; l'on reçoit le re

proche de la distraction et de la rêverie, comme s'il nous accordait le bel esprit; l'on dit de soi qu'on est maladroit et qu'on ne peut rien faire de ses mains, fort consolé de la perte de ces petits talents par ceux de l'esprit, ou par les dons de l'ame, que tout le monde nous connaît; l'on fait l'aveu de sa paresse en des termes qui signifient toujours son désintéressement, et que l'on est guéri de l'ambition; l'on ne rougit point de sa malproprété, qui n'est qu'une négligence pour les petites choses, et qui semble supposer qu'on n'a d'application que pour les solides et essentielles. Un homme de guerre aime à dire que c'était par trop d'empressement ou par curiosité qu'il se trouva un certain 'jour à la tranchée ou en quelque autre poste très périlleux, sans être de garde ni commandé ; et il ajoute qu'il en fut repris de son général. De même une bonne tête (1) ou un ferme génie qui se trouve né avec cette prudence que les autres hommes cherchent vainement à acquérir, qui a fortifié la trempe de son esprit par une grande expérience; que le nombre, le poids, la diversité, la difficulté et l'importance des affaires, occupent seulement et n'accablent point; qui, par l'étendue de ses vues et de sa pénétration se rend maître de tous

(1) De Louvois.

les événements; qui, bien loin de consulter toutes les réflexions qui sont écrites sur le gouvernement et la politique, est peut être de ces ames sublimes nées pour régir les autres, et sur qui ces premières règles ont été faites ; qui est détourné par les grandes choses qu'il fait des bellés ou des agréables qu'il pourrait lire, et qui, au contraire, ne perd rien à retracer et à feuilleter pour ainsi dire, sa vie et ses actions; un homme ainsi fait peut dire aisément, et sans se commettre, qu'il ne connaît aucun livre, et qu'il ne lit jamais.

On veut quelquefois cacher ses faibles, ou en diminuer l'opinion, par l'aveu libre que l'on en fait. Tel dit, je suis ignorant, qui ne sait rien: un homme dit, je suis vieux, il passe soixante ans; un autre encore, je ne suis pas riche, et il est pauvre.

La modestie n'est point ou est confondue avec une chose toute différente de soi, si on la prend pour un sentiment intérieur qui avilit l'homme à ses propres yeux, et qui est une vertu surnaturelle qu'on appelle humilité. L'homme de sa nature pense hautement et superbement de luimême, et ne pense ainsi que de lui-même: la modestie ne tend qu'à faire que personne n'en souffre; elle est une vertu du dehors, qui règle ses yeux, sa démarche, ses paroles; son on ton de

voix, et qui le fait agir extérieurement avec les autres comme s'il n'était pas vrai qu'il les com

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Le monde est plein de gens qui, faisant exterieurement et par habitude la comparaison d'eux-mêmes avec les autres, décident toujours en faveur de leur propre mérite, et agissent conséquemment.

Vous dites qu'il faut être modeste; les gens bien nés ne demandent pas mieux : faites seulement que les hommes n'empiètent pas sur ceux qui cèdent par modestie, et ne brisent qui plient,

on

pas ceux

De même l'on dit, il faut avoir des habits modestes; les personnes de mérité ne desirent rien davantage: mais le monde veut de la parure, lui' il est avide de la superfluité, en donne ; on lui en montre. Quelques-uns n'estiment les autres que par de beau linge ou par une riche étoffe ; l'on ne refuse pas toujours d'être estimé à ce prix. Il y a des endroits où il faut se faire voir; un galon d'or plus large ou plus étroit vous fait entrer ou refuser.,

Notre vanité et la trop grande estime que nous avons de nous memes, nous fait soupçonner dans les autres une fierté à notre égard qui y est quelquefois, et qui souvent n'y est pas; une personne modeste n'a point cette délicatesse.

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