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LES

TABLES TOURNANTES

LES MÉDIUMS ET LES ESPRITS

LES

TABLES TOURNANTES,

LES MÉDIUMS ET LES ESPRITS.

CHAPITRE PREMIER.

Influence que certains hommes peuvent exercer sur d'autres par leur seule volonté. Les miroirs magiques. — Le juif Léon. — Cagliostro à Strasbourg.

Avant d'aborder l'histoire des tables tournantes et des médiums, dont les manifestations sont toutes modernes, et se continuent encore aujourd'hui, nous devons faire passer sous les yeux du lecteur des faits qui, par leur nature étrange, nous apparaissent comme les antécédents des merveilles que notre siècle, à la fois savant et superstitieux, mais surtout ennuyé, se glorifie de produire, depuis qu'il a trouvé l'amusement des tables tournantes. Entre ces merveilles, fort diverses dans leurs manifestations, mais toutes rapportées à une même cause, au magnétisme, selon les uns, à un agent surnaturel, selon les autres, la plus étonnante, sans doute, et, il faut le dire aussi, la plus redoutable, si elle venait à être bien constatée, serait cette influence que certains

hommes pourraient, par leur seule volonté, exercer sur leurs semblables, au point de produire sur eux toutes sortes de sensations illusoires, d'affections réelles même, et jusqu'à d'importantes modifications physiques.

Dans le Paris philosophique du dix-huitième siècle, cinq cu six ans avant que Mesmer y apportât le magnétisme animal, la croyance aux prodiges et au surnaturel marchait de front avec le scepticisme religieux et l'Encyclopédie. Il y avait alors dans plusieurs quartiers, et des mieux hantés, de la capitale, des assemblées mystérieuses où des hommes, sortis on ne sait d'où, venaient vendre très-chèrement des miroirs prétendus magiques, dans lesquels ils se faisaient fort de montrer les images des personnes chéries dont on regrettait la mort ou l'absence. Et, chose singulière! plus d'un chaland fasciné crut voir, en effet, et témoigna qu'il voyait l'image évoquée de cette façon.

Un juif, nommé Léon, se fit remettre ainsi, par de riches dupes, plus de quarante mille livres. Quant au stratagème qu'il employait, voici l'idée qu'en donne un auteur contemporain, d'après un témoin oculaire :

« En 1772, un de mes amis, connaissant le goût que j'avais pour les choses extraordinaires, me proposa de me faire connaître un homme qui possédait un miroir constellé, au moyen duquel je verrais les personnes que je voudrais, vivantes ou mortes. Je rejetai sa proposition comme une extravagance. Deux mois après, d'autres personnes me parlèrent de cette singularité, comme d'un fait certain. Je me déterminai à l'aller voir. Je fus conduit chez un juif allemand nommé Léon, qui logeait en chambre garnie, rue de la Harpe. Ce juif commença d'abord par m'entretenir de sciences abstraites, et finit par me dire qu'on avait trouvé, à la mort d'une personne, une boîte dans laquelle il y avait un petit miroir et des caractères en langue inconnue, qu'on n'avait jamais pu déchiffrer. Il ajouta qu'après avoir examiné cette boîte avec plusieurs savants

rabins, ils avaient découvert que ce miroir était constellé, et qu'on pouvait y voir ce qu'on désirait. La boîte était un carré long d'environ dix pouces de longueur sur quatre ou cinq pouces de diamètre, et ressemblait à celles dans lesquelles les carmes du Luxembourg envoient leurs bouteilles d'eau en province. Elle s'ouvrait à une des extrémités. Il y avait dans le fond un petit miroir concave, autour duquel étaient marquées différentes figures hiéroglyphiques et des caractères qui paraissaient hébraïques.

« Le juif me dit que les personnes qui étaient nées au mois d'avril pouvaient y voir. Etant de ce mois, je proposai d'en faire l'essai; il me fit d'abord répéter quelques prières en me plaçant dans un coin de la chambre; après quoi, il me montra comment je devais tenir la boîte, et me recommanda d'avoir un désir ardent de voir ce que je voudrais. Après une demi-heure de contention, ne voyant rien, je lui en demandai la cause. Il me dit des injures, et me traita d'incrédule, d'homme sans mœurs, ajoutant que ce miroir n'avait aucune vertu aux mains de pareilles gens. Avant de me retirer, je lui proposai une personne qui avait toutes les qualités requises pour voir, et lui promis de l'amener; nous convînmes du jour. J'y conduisis la personne, qui était un curieux de bonne foi, et sur qui je pouvais compter comme sur moi-même. Après les préliminaires accoutumés, il le plaça dans un coin de la chambre, lui recommanda la foi en l'Esprit qui présidait au prodige qu'il allait voir. Après un quart d'heure de réflexion, il lui demanda quel objet il désirait fixer. Le curieux lui nomma une personne qui n'était connue d'aucun de ceux qui étaient présents. Au moment même, il me dit qu'il la voyait dans son habillement et avec sa coiffure ordinaire. Le juif lui demanda s'il voulait voir d'autres personnes; et sur la réponse qu'il fit qu'il désirait voir une dame, telle qu'elle était dans le moment, le juif mit un petit intervalle pour la cérémonie, et dit de regarder dans le miroir. Mon ami vit cette dame dans son appartement, avec un enfant qu'elle avait alors, reconnut la chambre et tous les meubles. Étonnés du prodige, nous restâmes dans la plus grande admiration. Notre surprise était d'autant plus grande que nous avions examiné ensemble si, par l'optique ou la catoptrique, on pourrait, à l'aide de moyens quelconques, retracer au fond de la boîte des objets peints et éloignés, ce qui était impossible. La boîte était tenue verticalement, elle n'avait que cinq pouces d'ouverture sur quatre, et le visage

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