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d'une illusion? Avons-nous bien vu ce que nous venons de décrire? Oui! oui! nous l'avons vu, saisi, plein de calme et de raison; tout est réel, et nous restons bien au-dessous de la vérité, ne pouvant entièrement la peindre dans ce récit, car les mots nous manquent, quoique notre mémoire soit fidèle. « Cette expérience a porté dans tous les esprits la conviction qu'une découverte venait de se révéler, et que le magnétisme allait certainement s'ouvrir une nouvelle route. Les faits, déjà si curieux, offerts par le somnambulisme sont dépassés, car ici l'homme est éveillé. »

La préparation magique est quelquefois différente chez M. Dupotet, sans que les effets varient d'une manière sensible. Voici, par exemple, deux lignes, tracées sur le parquet, l'une à la craie, l'autre au charbon cela s'appelle les lignes du bien et du mal. La ligne blanche se termine par un triangle, la ligne noire par un serpent. Si vous avez l'imagination impressionnable, vous êtes déjà frappé de cet appareil, objet de l'attention muette d'une assemblée, quelquefois fort nombreuse. Osez maintenant sortir des rangs; c'est sur vous que se porte cette attention, et surtout celle du magicien. Déjà à demi biologisé, à votre insu, par la puissante action magnétique de sa seule volonté, vous entrez dans l'étroit espace qui sépare les deux lignes fatales. A peine y avez-vous mis le pied, que votre émotion augmente et se change en trouble violent; une force étrangère a pris possession de vous, en vain vous luttez contre elle de tout ce qui vous reste de volonté. Attiré par la ligne du mal, comme par la vue d'un abîme, vous vous rejetez vers la ligne du bien, et, dans quelque sens que se termine cet horrible ballottage, il vous laisse épuisé, énervé par la crise que vous venez de subir.

M. Dupotet a encore un autre appareil, auquel le nom de miroir magique semblerait mieux convenir qu'au

cercle plein dont il nous a donné lui-même la description. Celui-là est un vrai miroir, ou bien un petit cartou de même forme, entouré des signes du zodiaque, dans lesquels le magicien annonce avoir fixé les esprits animaux qui doivent, à leur tour, appeler des esprits ambiants et semblables à eux. L'individu qui jette les yeux sur le miroir devient tout à coup un voyant, un illuminé, mais, pour son supplice, car ce qu'il voit l'attire et l'épouvante. Il poursuit d'un regard enflammé on ne sait quelle image, qui excite à la fois ses terreurs, ses larmes et sa colère. Tout son corps est en proie à un tremblement convulsif, ses membres fléchissent et se dérobent sous lui. Au plus fort de cet accès, qui menace de devenir dangereux, le magnétiseur lui arrache, non sans effort, et souvent sans péril pour lui-même, carton fatal où s'est peinte cette horrible vision 1.

le

Tous ces faits d'un magnétisme violent, mais qui ne sont cependant que du magnétisme, car on en avait vu d'analogues, dès le principe, autour du baquet de Mesmer, voilà ce que M. Dupotet appelle de la magie.

«En pratiquant cès œuvres, dit-il, j'avoue que la peur me prit. Je vis des choses extraordinaires, des spectacles étranges. et je sentis en moi comme l'approche et le contact d'étres invisibles encore. J'avais toute ma raison; mon incrédulité même ne m'avait point quitté. Je ne sais pourtant qui m'ôta le courage et fit naître en moi l'effroi. Je ne crois point au diable; mais je le dis sans réserve, mon scepticisme finit par être

1. «Tout Paris, dit M. Mirville, pouvait se rendre à ces conférences dominicales. Nous y avons été souvent nous-même, dans le but unique d'observer les faits avec soin. Que de fois n'y fûmes-nous pas attristé, effrayé même, en voyant des vieillards de notre connaissance, occupant un rang très-distingué dans le monde, se livrer, malgré leurs quatre-vingts ans, à ces expérimentations formidables, qui, en agitant tous leurs membres, semblaient être pour eux le signal, ou plutôt le début des dernières convulsions! »

vaincu. Il est bien permis d'avoir un peu de frisson lorsque la main tremble'. >>

Malgré ces aveux, dont triomphent les spiritistes, et surtout M. de Mirville, les mots ne changent rien à la chose. Au reste, si M. Dupotet croit aux esprits, on voit, d'après les termes mêmes de sa profession de foi, qu'il persiste à ne pas croire au diable, le seul esprit précisément que M. de Mirville trouve partout.

Les phénomènes réalisés dans les expériences de M. Philips, du docteur Teste, de M. Dupotet et de quelques autres, n'étaient, selon nous, que le développement de la science magnétique, dans laquelle leurs auteurs sont passés maîtres. Ils rentrent tous dans cet hypnotisme ou sommeil nerveux, découvert en 1841 par Braid, et qui, partant de l'Angleterre, traverse les mers, pour fleurir en Amérique, et revenir définitivement en Europe, déguisé sous divers noms, mais toujours identique, malgré la plus singulière diversité de noms et de fortune.

L'exposé qui précède des phénomènes du magnétisme transcendant, étudiés en France avant 1852, montre bien que le culte du surnaturel n'y sommeillait pas pendant que les esprits s'apprêtaient à y faire leur apparition. Arrivons à l'histoire de leurs manifestations, quand ils ont fait enfin élection de domicile dans notre pays.

1. Magie dévoilée, p. 221.

CHAPITRE XV.

Les tables tournantes en France.

Comment elles sont accueillies par

le public. Attitude des savants.-Expériences et ouvrage de M. de Gasparin sur les tables tournantes.

Aucun des phénomènes que nous venons de passer en revue dans les précédents chapitres, n'a eu besoin d'être suscité par l'avénement des tables tournantes en France. Si l'Allemagne eût pu se passer de cette découverte, la France pouvait également montrer, à la même époque, son contingent de prodiges, bien dignes de tenir la place des tables tournantes. La France, d'ailleurs, nous l'avons déjà dit, ne reçut pas de première main cette pratique, renouvelée de l'Orient. Les tables tournaient en Écosse, en Angleterre, et dans toute l'Allemagne, depuis la Baltique jusqu'aux bouches du Danube, que la presse française, alors pourtant si désœuvrée, leur avait à peine accordé une mention fugitive. Tout à coup-c'était vers les derniers jours d'avril 1853- Paris se réveilla en proie à l'épidémie tournante, et les journaux, qui durent enfin rompre le silence, nous apprirent qu'elle avait éclaté simultanément à Strasbourg, à Marseille, à Bordeaux, à Toulouse, et dans tous nos autres grands centres de population. Ce ne fut, d'abord, pour le public, qu'un simple amusement, auquel on se livra partout au milieu de grands éclats de rire. Les guéridons, les tables, les chapeaux, les plats et les cuvettes, tout ce qui se trouvait sous la main, fut mis à contribution. Les uns réussissaient, les autres, et c'était le plus grand nombre, échouaient dans l'expérience; ils accusaient de supercherie les premiers, qui, à leur tour, les taxaient d'in

crédulité. Elles tournent, elles ne tournent pas, » tel était le résumé de toutes les disputes à ce sujet, et tels étaient les deux termes uniques dans lesquels s'agitait, parmi le vulgaire, la question des tables. Dans notre pays, toujours fort léger en matière sérieuse, tantôt extrême dans sa crédulité, tantôt absurde dans son scepticisme, les tables ne furent qu'un amusement pour le plus grand nombre, une manière de tuer le temps en société. Les disputes furent fréquentes sur ce sujet. On niait, on affirmait, on riait, quand on ne se mettait pas en colère.

Cependant le phénomène se montra bientôt en progrès, et ce furent alors de bien autres histoires. Non-seulement les tables tournaient, mais elles parlaient, elles écrivaient; elles s'élevaient et se soutenaient dans l'air sans ficelles, du moins visibles. Les tables donnaient des consultations, découvraient des secrets ensevelis dans le plus profond mystère, faisaient des prodiges de sagacité divinatoire, mettaient le monde des vivants en communication avec le monde des morts, et se comportaient enfin de façon à laisser croire qu'elles étaient hantées par des esprits. Toutes ces choses étaient bien dures à admettre; aussi ce fut un tolle général contre ceux qui les racontaient. Quant à ceux qui prétendaient les avoir vues, on en finit avec eux par deux épithètes: fous ou imposteurs. La question des tables fut ainsi jugée pour la multitude, qui passa à d'autres divertissements.

Il restait pourtant à satisfaire un petit nombre de personnes sérieuses, qui n'admettent pas, en général, que les faits, même les plus incroyables, puissent être attestés par un grand nombre de témoins éclairés et de bonne foi, sans avoir leur fondement dans quelque réalité bien ou mal observée. Or ces personnes, ajournant tout jugement, attendaient que les savants eussent parlé.

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